Liberation Orchestra @ Jazz Middelheim 2011
Middelheim Jazz Festival 2011
Pour sa trentième édition, l’affiche du Middelheim présentait un savant mélange entre vraies figures mythiques du jazz (Charlie Haden, Carla Bley, Randy Weston, Toots) et talents confirmés de la génération actuelle, le tout dans un bel équilibre entre les styles: la tradition avec Toots en compagnie de Kenny Werner, le Brussels Jazz Orchestra avec Bert Joris mais aussi l’aventure avec John Zorn, Dave Douglas, Uri Caine ou Marc Ribot; le retour aux sources new orléanaises avec Randy Weston dans un étonnant hommage à James Reese Europe (musicien quelque peu oublié des tout débuts du jazz) avec banjo et tuba mais aussi l’improvisation free de Fred Van Hove et de ses amis Peter Brötzmann, Evan Parker, Ken Vandermark ou André Goudbeek ou un petit clin d’oeil à la mode avec Jamie Cullum; l’univers introspectif mais parfois répétitif d’Omar Sosa en solo (p., elp, samples) mais aussi l’expansivité joyeuse de Trio Grande et Matthew Bourne.
Et, en bouquet final, le retour du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden qui avait déjà fait étape à Anvers, dans une autre configuration, en 1987. Fondé en 1969, en plein bouillonement social et explosion free, la grande phalange de Haden a pu rassembler, au fil des ans et des albums (du LP initial à Not in our name en 2005, en passant par The Ballad of the Fallen et Dream Keeper), quelques-uns des grands noms du jazz (Don Cherry, Tom Harrell, Gato Barbieri, Dewey Redman, Joe Lovano, Brandford Marsalis) et se créer un répertoire militant entre chants révolutionnaires de la guerre civile espagnole, protest songs (We shall overcome) et compositions originales à la gloire de grandes figures historiques (Song for Che, Spiritual dédié à Martin Luther King et Malcolm X). Bien sûr, le répertoire a évolué, le style s’est assagi mais, sous la direction musicale de Carla Bley, l’orchestre de 12 musiciens a gardé sa belle homogénéité et son originalité: pas de division en sections comme dans un big band traditionnel mais un subtil mariage de sonorités entre les trois saxophones et la large palette des cuivres (trompettes, trombone, cor et tuba).
Si les chants révolutionnaires espagnols ont disparu, on retrouve la même passion pour les mélodies aux allures naïves et un faux semblant d’hymnes solennels. L’esprit militant est resté intact comme avec cet Not in our name, en allusion à la politique de Bush en Irak mais Haden va maintenant se tourner vers certains classiques comme Blue in green immortalisé par Miles ou certaines de ses anciens thèmes comme ce Song for the whales, composé initialement pour Old and New Dreams de Don Cherry et Dewey Redman. Emmené par le drive implacable de Matt Wilson la nopuvelle phalange de Charlie Haden présente, enfin, de solides solistes comme le trompettiste Michael Rodriguez ou les saxophonistes Chris Cheek et Tony Malaby (un solo tonitruant sur Song for the Whales). Au final: une standing ovation largement méritée. Un petit regret, malgré tout: peu de véritables révélations (à l’exception de la vibraphoniste Els Vandewijer au sein de l’octet de Fred Van Hove) et absence totale de formation européenne (on se rappelle les prestations très applaudies du trio Romano-Texier-Sclavis ou de l’octet de Gianluigi Trovesi par le passé). Mais ne boudons pas notre plaisir.
Claude Loxhay & Jos Knaepen (photos)