LOBI, Jazz à Liège 2013
Lobi, le projet de Stéphane Galland sera au Festival International de Jazz à Liège
A côté du quintet de Ravi Coltrane (avec Ralph Alessi à la trompette), du quartet de Manu Katché (avec Tore Brunborg au saxophone), du quintet de Rosario Giuliani (avec Joe Locke au vibraphone), de la chanteuse China Moses comme de la crême du jazz belge, du quintet de Sal La Rocca à Mélanie de Biasio ou au septet de Rêve d’Eléphant Orchestra, le projet LOBI de Stéphane Galland fait figure d’All Stars international, au prochain festival Jazz à Liège des 3 et 4 mai prochains (www.jazzaliege.be).
Un véritable “all stars” international.
On avait découvert Stéphane Galland au sein du trio d’Eric Legnini (album “Essentiels” de 1990) puis, après la parenthèse de Nasa Na Band (déjà avec Fabrizio Cassol et Michel Hatzigeorgiou, mais aussi Pierre van Dormael à la guitare), on avait pris conscience de sa maîtrise parfaite des polyrythmes, avec le trio d’Aka Moon ( dès l’album “Carbon 7” de 1992). En vingt ans d’existence du trio, Stéphane a croisé une foule d’invités, du guitariste David Gilmore (“Guitars” en 2002) au tromboniste Robin Eubanks (“Amazir”, 2006), en passant par le percussionniste indien U. Sivaraman (“Ganesh”, 1997) ou le Malien Baba Sissoko (“Culture Griot”, 2009).
Il a imposé sa science des rythmes du trio de Reggie Washington au groupe Octurn, et multiplié les rencontres du Brésilien Nelson Veras (album Label Bleu de 2004 et “Rouge sur Blanc” en 2011) au pianiste Joe Zawinul en 2003 mais, jusqu’à présent, il n’avait pas encore enregistré d’album à son nom. Avec “Lobi”, enregistré en avril 2012, c’est chose faite. Pour ce projet, initié par le Gaume Jazz Festival de 2011, Stéphane a rassemblé ce qu’à une époque, le producteur américain Norman Granz appelait un “all stars” international. A la flûte et à la voix, Magic Malik, né en Côte d’Ivoire mais installé en France, après avoir passé sa jeunesse en Guadeloupe : un musicien qui incarne pleinement la multiculturalité du projet et que Stéphane avait déjà croisé auprès de Nelson Veras et pour l’album “Amazir” d’Aka Moon. Sur sa basse semi-acoustique Barcelona, Carles Benavent, qui a introduit la guitare basse dans le flamenco auprès de Paco de Lucia et du saxophoniste Jorge Pardo, mais qui a aussi séduit Chick Corea. Aux percussions, Misirli Ahmet, maître turc de la darbouka, ce tambour en calice du Moyen-Orient. A l’accordéon, le Bulgare Petar Ralchev, gardien de la riche tradition des Balkans. Enfin, au piano, le jeune prodige arménien Tigran Hamasyan qui, lors du festival liégeois sera remplacé par Malcolm Braff, pianiste brésilien que l’on avait découvert en 2008, au Gaume Jazz Festival, en compagnie d’Erik Truffaz, et avec qui Stéphane vient de partir, en mars dernier, en Inde, en compagnie de Reggie Washington.
L’entretien
Comment est né le concept de Lobi (hier et demain en lingala) visant à réunir traditions ancestrales et modernité ?
Ce choix de concept est venu naturellement, suite à la proposition de carte blanche que j’ai reçue de Jean-pierre Bissot pour le Gaume Jazz Festival 2011, en cherchant à préciser ce qui me tenait le plus à coeur à ce moment. Je venais de rencontrer deux personnalités musicales magnifiques, d’une part Tigran Hamasyan, le pianiste d’origine arménienne, et d’autre part Mısırlı Ahmet, le percussionniste Turc. J’ai beaucoup aimé jouer avec eux, Tigran dans le cadre du quartet de Dhafer Youssef, et Ahmet dans un projet spécial, à Istanbul, avec Aka Moon. La richesse de leur langage nourrit de tradition, et leur soif de recherche de développements dans la modernité m’a de suite motivé à faire un projet ensemble, et exploiter ces éléments. Mon parcours personnel, grâce à Aka Moon entre autres, tellement riche en rencontres musicales multi-culturelles, m’a poussé à me lancer dans cette aventure, comme une suite logique. Le terme “LOBI” qui signifie en lingala soit “hier” soit “demain”, c’est Pierre Van Dormael qui me l’a fait découvrir il y a plus de 20 ans, en donnant ce titre à un morceau composé ensemble. L’album lui est dédié car c’est une personne très importante dans mon parcours musical, qui de plus, m’encourageait à être “leader” de groupe.
Comment avez-vous choisi vos partenaires. Les aviez-vous déjà rencontrés auparavant ?
Quant au choix des autres membres de LOBI, Magic Malik m’est venu assez vite à l’esprit, étant donné qu’il est un musicien idéal dans ce genre de contexte, et que nous nous connaissons depuis de nombreuses années grâce à divers projets qui nous ont réunis: Nelson Veras 4et, le spectacle de danse/musique de Alain Platel et Fabrizio Cassol “Pitié!” qui a tourné dans le monde entier, et plusieurs projets spéciaux avec Aka Moon, dont l’album “Amazir”. Ses origines multiples (Côte d’Ivoire, Guinée, France, Guadeloupe), son ouverture d’esprit et ses capacités extraordinaires, ont fait du lui le parfait associé dans cette aventure LOBI. Carles Benavent est un bassiste qui a créé un style nouveau, en incluant la tradition flamenca et l’approche des guitaristes virtuoses de l’Espagne, à un jeu de basse nourrit de Jaco Pastorius, entre autres. Son jeu est reconnaissable immédiatement et il a marqué mon adolescence avec certains album de Chick Corea (“Again and Again”, “Touchstone”). Ce style unique, et la richesse de la culture flamenca qui l’alimente a donné une couleur et saveur très particulière à LOBI. Quant à l’accordéoniste Petar Ralchev, je l’ai découvert l’année passée, à peine quelques mois avant l’enregistrement de l’album. Son jeu m’a touché très profondément: un mélange de pureté, de lyrisme, de virtuosité inouïe, et de cette tradition tellement maîtrisée et intégrée alliée à un esprit aventureux et moderne. Lorsque je lui ai parlé du projet, il était tellement convaincu que c’était exactement ce qu’il fallait faire maintenant, que les choses se sont déroulées parfaitement. Nous n’avions jamais joué ensemble avant l’enregistrement. Un tout grand artiste, être humain, et accordéoniste, respecté par tous ses pairs.
Comment avez-vous choisi le répertoire ?
Le répertoire s’est construit grâce à l’apport de chacun des musiciens impliqués. J’ai souhaité que chacun propose des morceaux, soit traditionnels, venant de leurs propres cultures ou autre, soit des morceaux originaux mais qui seraient nourris d’éléments de musique traditionnelle. Avec les propositions de chacun, nous avons travaillés plusieurs jours tous ensemble à l’arrangement de ceux-ci pour faire la création en “Live” au Gaume Jazz Festival en 2011.
A-t-il évolué entre le moment de la création et l’enregistrement ?
Le répertoire a ensuite évolué pour l’enregistrement. De nouveaux morceaux se sont ajoutés, des arrangements ont changés, en fonction de l’arrivée de Petar Ralchev, que je ne connaissais pas encore lors de la création en 2011, et en fonction des contraintes liées à la disponibilité des musiciens lors de la séance d’enregistrement. A l’heure actuelle, les arrangements s’affinent encore, en fonction de l’adaptation “Live” de ces morceaux, de l’arrivée de Malcolm Braff (Brésilien, qui a longtemps vécu au Sénégal et réside actuellement en Suisse) au piano, et en fonction des désirs d’évolution des musiciens, et de l’exploitation du potentiel qui est vraiment énorme dans cette rencontre. Ce n’est qu’un début…
Stéphane Galand, Lobi (OutNote Records)
Enregistré par le label parisien OutNote Records (www.outhere-music.com/outnote), l’album présente des formations à géométrie variable, de l’intimiste duo entre piano et batterie de The Sky Is Cloudy où l’on cerne toute la délicatesse de jeu de Tigran Hamasyan et l’écoute sensible de Stéphane, au sextet réunissant tous les invités (Pygmalite), en passant par des trios (Aparani Par), des quartets (En Ruta) ou des quintets (Lamma Bada Yatathanna). Chacun a participé à l’écriture du répertoire original (trois thèmes signés Magic Malik, deux Stéphane, un Ralchev et un Benavent) ou à l’arrangement de thèmes traditionnels arméniens, turcs ou arabes. Les onze plages de l’album (sept compositions originales et quatre traditionnels) proposent un véritable brassage de cultures : influence hispanique avec En Ruta de Benavent, inspiré d’une danse Sevillana; tradition arménienne pour Aparani Par et The Sky Is Cloudy; forte inspiration latino-américaine avec Para Para, Ioio et l’endiablé Hommage à Minino (Minino Garay, le percussionniste argentin de Cordoba Reunion); influence africaine avec Pygmalite de Stéphane, inspiré des Pygmées et du Mali; tradition arabe avec Lamma Bada Yatathanna ou bulgare avec Memory From Times of Yore de P. Ralchev. Un vrai kaléidoscope de couleurs et de rythmes emmené de main de maître par Stéphane Galland, toujours attentif et précis, en parfaite communion empathique avec ses invités.
Chronique et propos recueillis par Claude Loxhay