
Longnon Big-Band : Istanbounce
Bardé de prix et, pour reprendre les mots de Dizzy Gillespie, « véritable équilibriste entre le jazz et le langage symphonique », le compositeur, trompettiste et chef d’orchestre Jean-Loup Longnon revient derechef à ses amours : le big-band dans toute sa puissance. D’une durée de 76 minutes avec douze titres au compteur, dont deux sont des mini-suites en trois mouvements, l’album offre une plongée en apnée dans le son riche et dense des grands orchestres de jazz. Prenez par exemple « Istanbounce » qui combine Orient et Occident en hommage à la ville millénaire, c’est une composition polymorphe et riche en couleurs qui entraîne l’auditeur dans un ballet irrépressible. Les tempos sont alertes, les contrepoints complexes, les ambiances changeantes, les masses orchestrales se succèdent et se mêlent dans une vision personnelle qui décrit les contrastes et le dynamisme de la cité avant de se conclure en apothéose dans une finale symphonique grandiose. L’orchestre reprend aussi la composition emblématique de Jean-Louis Longnon « Encore du Bop ». Inspiré par l’écriture de Thad Jones et basé sur une structure harmonique appelée « anatole / rhythm changes », ce titre est l’occasion de confrontations sauvages entre pupitres de saxophones et de cuivres, mais aussi de réjouissants solos successifs de saxophone ténor, de trombone et de piano.
En plus des compositions originales, le big-band propose deux orchestrations de chansons françaises (dont le fringant « On n’est pas là pour se faire engueuler » avec des paroles de Boris Vian chantées par Jean-Loup lui-même) et quatre reprises de standards remarquables par leur mise en son. « Lush Life » de Billy Strayhorn est interprété par la chanteuse Elora Antolin sur un arrangement symphonique qui n’est pas sans évoquer les grands compositeurs français du XXᵉ siècle comme Ravel, Debussy, Henri Dutilleux ou Lili Boulanger. Enfin, on citera encore, parmi d’autres, un bel arrangement du « Fun Time » de Sammy Nystico, splendide écrin pour des parties de trombone et de trompette, où l’on retrouve le swing typique du Count Basie Orchestra. L’album se referme sur « Step To The Bop », un titre traditionnellement interprété en fin de concert, dans lequel Jean-Loup et deux vocalistes se partagent le micro dans un scat frénétique, conclusion ludique d’un programme de jazz ambitieux, mais sculpté dans la bonne humeur comme on n’en fait plus guère aujourd’hui.