Louis Sclavis : India

Louis Sclavis : India

Yolk Dream

Arriverez-vous à suivre Louis Sclavis ? Une fois en Chine, une fois sur les routes africaines, une fois le long des murs napolitains, son ombre plane et sa musique infuse les paysages.
De ses voyages, le clarinettiste français ramène toujours des souvenirs qu’il aime faire revivre et partager avec ses amis, ses complices. Ici, il a, en plus, convié le trompettiste Olivier Laisney à rejoindre les fidèles Sarah Murcia (cb), Benjamin Moussay (p), Christophe Lavergne (dm) pour participer à une sorte de rituel.
Les souvenirs viennent cette fois de Calcutta, de Dakshineswar et du Gange, ou sont provoqués par des fanfares de rues, des échanges spirituels avec Ganesh ou avec la Reine des Bandits. Tout cela vient d’Inde, vous l’aurez compris. Mais n’allez cependant pas chercher dans cet album quelques rāgas évidents et autres musiques carnatiques typées. Sclavis parle de ses pérégrinations exotiques en maintenant fermement son accent, son phrasé, son style. Bien entendu, il y a quelques lointains échos de sonorités indiennes et baroques, lorsque Dominique Pifarély, en invité supplémentaire et surprise, vient montrer le bout de son violon sur le bref « Short Train ». Pour le reste, la musique se décline entre mélodies audacieuses et très ouvragées, tantôt intenses et brûlantes, tantôt plus introspectives. Et puis, la liberté d’expression est aussi de la partie. Sclavis laisse à la contrebassiste, sur « A Night in Kali Temple » ou « Montée au K2 » entre autres, tout l’espace pour développer des solos denses et engagés. De même, Christophe Lavergne peut laisser éclater la fièvre dans des interventions tendues (« Long Train », par exemple). Benjamin Moussay, lui, passe avec habileté d’un phrasé romantique à des éclats erratiques, presque free, puis à une forme de transe. Éblouissant. Quant à Scalvis et Laisney, ils unissent leurs souffles (« Phoolan Devi ») ou cherchent des contrepoints et intervalles qui ouvrent de nouveaux horizons. Plutôt que diriger sa musique, Sclavis laisse ses partenaires l’enrichir et c’est captivant. « India », récit passionnant d’un voyage que l’on se refait à l’infini.

Jacques Prouvost