Louis Stewart & Martin Taylor : Acoustic Guitar Duets
En 1985, deux guitaristes qui s’étaient rencontrés en jouant pour le violoniste Stéphane Grappelli décidèrent de se retrouver dans un studio de Dublin pour y enregistrer en duo un album sobrement intitulé « Acoustic Guitar Duets » qui sortira l’année d’après. Trente-huit années plus tard, le voici réédité par le label Livia Records dans une édition remastérisée et étendue par un livret incluant des notes de pochette détaillées et de nouvelles photographies. Si le Britannique Martin Taylor est depuis longtemps une légende de la six-cordes, l’Irlandais Louis Stewart jouit quant à lui d’une réputation plus confidentielle, mais n’en est pas moins un guitariste impressionnant par sa technique comme par son habilité à improviser. Lors du décès de Louis en 2016, Martin Taylor se souviendra de cette association éphémère et dira : « Louis Stewart était l’un des plus grands guitaristes de jazz de tous les temps. Nous avons fait ensemble un album de duos de guitares il y a près de 40, ans qui reste l’un de mes préférés. »
L’album ne comprend aucun original, les deux musiciens ayant choisi d’interpréter et d’improviser sur huit standards de jazz et deux morceaux traditionnels (« Comin’ Thro’ the Rye » et » Farewell to Erin »). La version de « Billie’s Bounce » de Charlie Parker illustre le niveau atteint ici, les deux guitaristes entrelaçant leurs notes dans un jeu be-bop aussi acrobatique que jubilatoire. Pourtant, ils savent également répondre à une philosophie de l’intime en conversant avec lyrisme sur le fameux « Darn That Dream » de Jimmy Van Heusen. Rien ne les dérange, ce sont deux maîtres exigeants du rythme et de la mélodie, mais aussi de l’écoute mutuelle et de l’interaction prise sur le vif. Notons qu’une deuxième prise inédite du titre « Stompin’ at The Savoy » est ajoutée sur cette réédition, tandis que le son remastérisé est pur, donnant l’impression avec une bonne chaîne que les deux musiciens sont présents dans la pièce.
Pour les amateurs, il n’est pas dit quels sont les modèles de guitare utilisés sur ce disque et la pochette de la réédition assez quelconque n’aide pas. Mais des indices sont apparents sur la photographie de couverture des anciennes éditions ou sur celles du livret qui présentent les deux complices assis avec leurs instruments sur leurs genoux : on y voit en effet Louis Stewart jouer sur une Gibson, probablement un modèle L7 au son profond et boisé, idéal pour les rythmes jazz. Quant à Martin Taylor, c’est moins évident, mais il s’agit certainement de sa WG Barker de 1964 qui lui fut offerte en 1977 pour son 21ème anniversaire et que Martin utilisa pendant ses années Grappelli de 1979 à 1990. Ces détails étant précisés, il est maintenant permis de conclure : « Acoustic Guitar Duets » est un album incontournable dans toute discothèque de guitare jazz, à ranger précieusement entre un Django et un Joe Pass.