Luca Tilli : Empty Smile
L’exercice est ardu. Il consiste à tenir sur toute la durée d’un album avec un violoncelle pour seul bagage, sans assigner à l’instrument la destination connue qu’on lui réserve habituellement telles que la sonate ou l’interprétation pour œuvres mono instrumentales dédicacées. Luca Tilli aligne pour l’occasion seize vignettes. La majorité d’entre elles s’avère d’une concision, d’une brièveté saisissante, tournant souvent autour des deux minutes. Il explore son instrument dans tous ses recoins, utilisant à l’envi ses innombrables possibilités sonores. Les cordes sont choyées, pincées, étirées, triturées. Le manche est cité, sollicité, les chevilles actionnées, suractivées. La table fait parfois office de percussion. L’archet n’est jamais en reste. Mais au final, l’instrument ne trahit pas et ne se trahit pas. Il reste intact, intègre dans sa nudité. Le jeu de Tilli est vif, agile, nerveux, cédant parfois à l’accalmie, au temps suspendu, pour reprendre de plus belle en attaques, en arpèges déformés. Les notes qui accompagnent « Empty Smile » ne nous renseignent guère sur le procédé ou sur la manière de composer. Elles reprennent une photo noir et blanc de Luca saisi sur le vif, esquissant un sourire, démentant par là même le titre du disque. L’enregistrement semble avoir été réduit à sa plus simple expression, sans qu’il ait été besoin de l’agrémenter par des effets spéciaux ou des overdubs. Et c’est au fond ce qui fait le cachet de ce disque et qui lui confère sa dimension authentiquement naturelle.