Mélanie De Biasio, Blackened Cities

Mélanie De Biasio, Blackened Cities

Mélanie De Biasio, Blackened Cities

PLAY IT AGAIN SAM

20 mai 2016. Melanie De Biasio est présente au lancement du festival Mai’tallurgie. Des artistes exposent dans la grande salle du Rockerill (Charleroi), ancien site industriel devenu lieu de culture décalée. La chanteuse est au milieu de ses amis, de sa famille. Elle ferme les yeux. Comme pour profiter du moment présent. Elle semble s’enivrer du bruit qui l’entoure. À l’écoute de ses racines, de son histoire, de celle de sa ville ? Peut-être. Et sans vouloir être trop indiscret, on peut imaginer la musique intérieure qui nait de cette écoute. C’est justement en ce 20 mai 2016 qu’est sorti Blackened Cities, ode aux villes industrielles. Long morceau de 25 minutes. Intense et beau. Magnifique dans ses clairs-obscurs.  

Pour comprendre cet album, il faut remonter quelques mois en arrière. Retrouvons Melanie De Biasio, les yeux fermés, en train d’écouter une longue plage qu’elle a enregistré avec son band dans un studio bruxellois. Elle était venue avec des éléments autour duquel devait se construire ce morceau, des petits cubes comme elle dit. Une ligne de basse. Des mots. Une respiration. Puis la magie du groupe. Les fidèles. Pascal Moly au piano. Pascal Paulus aux synthés. Dre Pallemaerts à la batterie. Tout se met en place, se construit, dans le mystère de cette improvisation dont émerge la grâce et la lumière. Melanie De Biasio écoute tout ça sur son iPod. Se dit que, waw !, ce moment unique doit se construire une histoire, une connivence avec le public. Le résultat est là. Vingt-cinq minutes d’un bonheur qui vient grandissant, au rythme de ces instruments qui se glissent dans le tempo et les mélodies. Cette ligne de basse entêtante. Ces claviers dont les sonorités appellent aux rêve et à la contemplation. Ces mots aussi, évidemment, chantés avec émotion et intelligence. Parmi ces mots, il y en a un qui se dégage, un mantra, Goldjunkies, entêtant. « C’est la première graine, la genèse » explique Melanie De Biasio, devenue elle-même chercheuse d’or, chercheuse de lumière en pays sombre. Voilà l’origine de cette démarche artistique, chargée d’émotion, traduite par la photo de Stephan Vanfleteren choisie pour le visuel du disque. Une fenêtre ouverte.
Une invitation à dépasser les apparences. À chercher l’essentiel. « Blackened Cities » a fait l’objet de deux prises. C’est la première qui s’est imposée. Le travail de postproduction a été minime. Il s’est concentré sur la deuxième partie, sur le son, sur le mixage, sur les voix. Mais la pureté de l’improvisation reste entière.  L’écoute de ce morceau se révèle une expérience précieuse, propice aux émotions, entre esprit en apesanteur et pieds sur terre, entre fumée blanche et terrils. L’originalité de Blackened Cities ne réside pas seulement dans la beauté remarquable qu’il dégage. Il l’est aussi par son mode de diffusion. Il est seul. À découvrir dans sa singularité. Le vinyle est ainsi gravé sur une seule face. La face B est vierge laissant ouvert tout le champ des possibles pour la suite. Ce disque sort du cadre. S’impose par son grain de folie, sa prise de risque. Il est rupture et continuité. Ombre et lumière. Tout en contraste

Thierry Dupiereux-Fettweis (texte + photos)