Michel Herr en mode Positive
Le lauréat du SABAM JAZZ AWARD 2019 est connu, avec un petit retard dû à la pandémie. Il s’agit du pianiste/compositeur/arrangeur Michel Herr pour son album « Positive » sorti chez IGLOO. Jean-Pierre Goffin a recueilli ses impressions (l’interview-vidéo est diffusée sur le site de la SABAM).
Michel Herr © Jos Knaepen
Bonjour Michel Herr, vous venez de recevoir le Sabam Jazz Award 2019 pour votre album « Positive ». Comment est né ce nouveau projet ?
Michel Herr : Je voudrais d’abord remercier la SABAM, c’est un honneur qui m’est fait. Ça met un peu en avant le travail des arrangeurs-compositeurs qui est souvent un travail de l’ombre et je joins tous mes collègues à cette distinction. En ce qui concerne le projet, il est né suite à une demande de masterclass qui m’a été faite par le Conservatoire de Leuven qui souhaitait associer des élèves de la section jazz à des élèves de la section classique. On m’a demandé d’apporter des morceaux et j’ai retrouvé des choses que j’avais faites dans le passé. On a fait une session et un concert, et cela s’est bien passé. A la suite de quoi, Peter Hertmans qui est responsable de la section jazz de cette école, m’a dit qu’il supposait que j’avais enregistré ces morceaux. Et bien non ! Et il m’a dit qu’il fallait absolument le faire. L’idée a fait son chemin et j’ai décidé de créer un projet réunissant un sextet de musiciens de jazz dans lequel il y a Bert Joris, le saxophoniste allemand Paul Heller, Nathalie Loriers, Sam Gerstmans et Dré Pallemaerts, d’excellents musiciens de jazz bien connus, et un quatuor à cordes composé de Benoît Lesure, Pierre Heneaux, Jean-François Durdu et Merryl Havard, voilà les musiciens qui m’ont fait confiance et je les en remercie.
Votre travail des arrangements pour cordes ne date pas d’hier. Comment est né cet intérêt ?
M.H. : J’ai fait toutes sortes d’arrangements différents, mais j’avais une tendresse particulière pour les arrangements pour cordes. Je crois que ça tient au fait que ma musique contient beaucoup d’aspects mélodiques et harmoniques, et que finalement, je crois que les cordes portent très bien une mélodie et sont très efficaces pour porter des accords et apporter des couleurs et des éclats uniques, avec toutes sortes de timbres possibles. Ce sont des alliances entre formule jazz et formule classique qui peuvent fonctionner. Dans le temps, j’ai été amené à faire ce genre de rencontres : avec le Metropole Orchestra et la musique d’Ivan Paduart, le projet avec Philip Catherine et strings, le projet de Fabrice Alleman « U Diverse » avec l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, l’Orchestre de Chambre de Liège, aussi avec l’Orchestre Philharmonique de Liège ou encore avec le Brussels Jazz Orchestra et Tutu Puoane… J’en oublie probablement… Cela vient aussi de mon intérêt pour la musique classique qui a une place importante dans ce que j’écoute.
« Positive Tentet », mais aussi deux compositions « String Positive » et « The Positive Side », c’est un mot qui a une résonance particulière pour vous ?
M.H. : Le mot « positive », on peut lui donner plusieurs significations. Il y a évidemment le fait que la vie nous réserve parfois de mauvaises surprises et peut créer un vide, et ce vide on peut le combler en se tournant vers des choses positives différentes. Un autre aspect est la force positive que la musique a dans le monde actuel, et les arts en général. Le public écoute, les musiciens s’écoutent, il y a du respect, il y a de l’échange, un partage, le respect de l’autre, la tolérance, des valeurs qui sont liées à la musique qui sont très positives.
Vous avez participé à plus de cent albums, dont une quinzaine en leader ou co-leader, sans compter les collaborations avec les plus grands comme Chet Baker, Archie Shepp, Joe Lovano, Toots Thielemans, Lee Konitz… Est-ce un passage essentiel pour un musicien de jazz ?
M.H. : Absolument. Il faut dire que quand j’ai débuté, il n’y avait pas d’école pour apprendre le jazz, il fallait le faire par soi-même. Et puis j’ai fait partie d’une génération de musiciens qui ont eu l’occasion de jouer avec des musiciens de passage, comme les Américains. Une chance unique parce qu’il n’y a rien de tel que de partager la scène avec quelqu’un, écouter les décisions musicales qu’il prend en temps réel. Pour la musique, c’est la meilleure des écoles.
Vous avez toujours été attentif au problème des droits d’auteur des musiciens. J’imagine que ce prix a une résonance particulière pour vous.
M.H. : Je suis très attaché aux droits d’auteurs. Il faut rappeler que la matière première qui est fournie sur le plan de la musique, elle vient des auteurs, des compositeurs, des paroliers, et sans cette matière première, il n’y a pas de radio, de télévision, de concerts, de réseaux sociaux, de supports cd, films etc… Donc, c’est une matière première qui a sa valeur. Il faut savoir que les compositeurs et arrangeurs, en dehors des commandes, travaillent pendant des semaines sur des nouvelles compositions sans avoir un paiement. Le seul moyen d’avoir un retour rémunérateur, c’est d’être payé quand les œuvres sont utilisées en public. Sans oublier le droit moral pour éviter que les œuvres soient utilisées à mauvais escient dans des détournements abusifs et irrespectueux.
Merci beaucoup Michel pour cet entretien. Nous nous réjouissons d’entendre vos prochains projets.
M.H. : Merci aussi et je souhaite à tout le monde de prendre soin de soi et des autres.
Michel Herr
Positive
Igloo
L’interview-vidéo sur le site de la SABAM
Une collaboration SABAM / Jazz’Halo / JazzMania
Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin