Modney : Ascending Primes

Modney : Ascending Primes

Pyroclastic Records

Le nom de Modney survient pour la première fois dans nos pages. Et pour cause, ce n’est pas tant à la grande famille jazz qu’il faut le rattacher mais davantage à celle des nouvelles musiques contemporaines. Ce violoniste et compositeur américain établi à New York évolue au sein de deux grands ensembles : le Wet Ink et l’International Contemporary Ensemble. Il est aussi bien à l’aise pour interpréter une œuvre de Bach qu’un morceau d’Anthony Braxton. Il apprécie Ligeti autant qu’Ornette Coleman. C’est dire le spectre dans lequel il se déploie… Sur ce double album, il explore les « primes » ascendantes, ce qui pourrait se traduire par les fondamentaux dans une note. Il les a sériés en six catégories en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques. « Ma pratique comme improvisateur sur le violon est centrée sur l’élargissement des extrêmes », explique Modney, tirant le constat que l’écart entre la consonance et la dissonance peut s’élargir en fonction des jeux d’intonation que le musicien est libre de créer. De fait, le disque s’ouvre sur une longue pièce où seules figurent des notes de violon passées par une pédale de distorsion. C’est rude et âpre. Par la suite, l’électronique intervient en renfort. Et puis ce sont d’autres cordes qui s’ajoutent, dont un alto et un violoncelle. Au fur et à mesure que le disque progresse viennent un piano, des cuivres aussi avec un cornet, un tuba, un sax ténor et la trompette du brillant Nate Wooley. Modney a construit ses compositions avec beaucoup de rigueur et de patience. Pour autant, sa démarche demeure peu aisée à comprendre (je ne suis d’ailleurs pas certain d’avoir bien saisi ce qu’était un « prime »…) Il y a sans doute une marge entre ce qu’il prétend atteindre et ce que l’auditeur lambda perçoit. Qu’à cela ne tienne, « Ascending Primes » est une œuvre prenante qui requiert une écoute critique et attentive. Un peu à l’image des compositions montages de l’artiste plasticien Ellsworth Kelly qui illustrent la pochette et le livret intérieur.

Eric Therer