Ned Rothenberg : Looms & Legends

Ned Rothenberg : Looms & Legends

Pyroclastic Records

Quiconque un tant soit peu familier avec la scène new-yorkaise avant-gardiste a fatalement dû apercevoir un jour le nom de Ned Rothenberg dans une accolade. La quantité de musiciens et musiciennes avec lesquels il a joué est phénoménale. On l’a entendu aux côtés de John Zorn, Elliott Sharp ou Phil Haynes. Pour autant, il est très vite sorti du pourtour de la grosse pomme pour aller voir ailleurs ce qu’il s’y passait, ainsi qu’en témoignent ses collaborations avec Evan Parker, Fred Frith, Sainkho Namtchylak, Sylvie Courvoisier, Elvis Costello, Anthony Braxton… pour ne citer que les plus emblématiques. Il peut s’enorgueillir de pratiquer une multitude d’instruments à vent allant du saxophone à la flûte de bambou japonaise. Cet album le voit évoluer en solo, passant du sax alto aux clarinettes et au shakuhachi (la flûte japonaise). En guise d’introduction, reprise sous la forme d’une petite notice figurant sur la pochette intérieure, il nous interroge : « Comment et pourquoi continuons-nous à faire de l’art en cette époque bizarre ? Laissez-moi essayer de vous offrir ici un bref répit à la folie… » Toute référence à l’actualité mortifère et délirante que nous vivons est évidemment de mise. Et de tenter un pari, un défi spirituel : celui que les auditeurs réceptifs à sa musique seront peut-être plus à même de rester en connexion avec ce qui fait notre humanité. Vœu pieux s’il en est. Les quatorze vignettes alignées, des « small breaks » auxquels il fait référence, sont autant d’exercices de respiration et de méditation. A l’exception d’une reprise sobrement épurée de Monk (« Round Midnight ») qui clôt le disque, Rothenberg a tout composé, ou plutôt improvisé. Certaines sont succinctes, d’autres prennent le temps de se déployer, mais toutes sont empreintes d’une douce spiritualité.

Eric Therer