New Orleans Jazz & Heritage Festival 2011 (suite)
Blues and Soul Music
Podium de la Blues Tent et différentes scènes en plein air (suite et fin).
Le deuxième week-end prolongé (du 05 au 08 mai), fut encore plus riche en rencontres et expériences musicales mémorables, avec Marcia Ball à qui un statut mi-Louisianne, mi-Texas, donne ici une légitimité dans le registre « enfant-du-pays ». Si le succès qu’elle récolte est avant tout dû à son talent, ici il est encore multiplié ! Elle reprendra, en partie, les titres de son dernier opus publié par le label Alligator (« Roadside Attraction », ALCD 4942), dont le très émouvant This Used to Be Paradise qui évoque la Louisiane d’avant Katrina et la pollution provoquée par la plateforme de forage de British Petroleum. Et, sublime surprise, Irma Thomas viendra la rejoindre sur scène pour un véritable duo de superstars !
Dans un autre style, Robert Bilbo Walker use à fond de son look déjanté, limite hagard, et de son costume flashy, pour épicer son Mississippi blues électrique. Ruthie Foster, quant à elle, va régaler le public de ses blues–rock et de ses ballades au parfum texan, avant que le toujours souriant Charley Musselwhite dispose devant la scène sa petite valise couverte de stickers, contenant des harmonicas bien rangés, et de se lancer, avec brio, dans un show construit autour de morceaux tirés de son dernier album. On ne se lasse pas de son expertise à l’harmonica et de l’humour qu’il distille dans ses lyrics, sans oublier les commentaires savoureux entre les morceaux.
Mem Shannon et son soul plutôt bluesy, Ruby Wilson et son blues jazzy, ainsi que Troy Turner avec sa pop, tendance soul, connaîtront le succès qu’ils méritent. Mais, le vainqueur à l’applaudimètre fut sans conteste le vétéran Bobby Blue Bland, qui, à 81 ans, n’a rien perdu de ses qualités vocales, même s’il doit chanter assis. C’est une icône du soul blues de Memphis, il en est conscient, et le public itou.
Voilà pour ce qui concerne les artistes hors de la Louisiane. Mais, il y avait bien entendu aussi les locaux comme Brother Tyrone, jeune soulman qui monte dans les sondages. Son récent premier album, Mindbender fait un tabac chez les disquaires, mais aussi dans les ventes par Internet. Ici, il reprendra les meilleurs titres de son opus. On entendra aussi Charmaine Neville qui déploie avec maestria son jazz très bluesy, comme elle le fait plusieurs fois par semaine au « Snug Harbor », un des nombreux clubs de la Frenchmen Street, là où se retrouvent les vrais amateurs de blues et de jazz qui ont déserté Bourbon Street et le French Quarter ! Bien entendu, il y a aussi ses frères de la Neville Family, ces rois de la soul funky et des rythmes afro-cubains, parfumés au rhythm and blues, typiques pour la Nouvelle Orleans. Deux pianistes, parmi les plus prestigieux – avec Dr. John – vont eux aussi ravir le public. Allen Tousssaint, toujours aussi élégant et raffiné, tant pour son look que dans son jeu au piano, et Henry Butler, au style plus roots et funky.
Enfin, last but not least, Guitar Slim Jr. – fils de l’unique Eddie Guitar Slim Jones, auteur de The Things That I Used To Do – et Little Freddy King, comme à son habitude dans un costume de scène flamboyant, qui vont donner leur show rhythm and blues au style gumbo (un peu de tout), le tout nappé d’une sauce très New Orleans !
Bien entendu, de nombreux autres concerts de blues, de jazz, de country, de « roots music », de musique world, de brassbands, de troupes d’Indiens… ont déroulé leurs fastes sur l’une ou l’autre scène. Mais comme indiqué en introduction de ce compte-rendu, il était humainement impossible de tout voir, et donc d’aller tout écouter ! Juste pour votre information, sachez qu’il y avait aussi Sonny Landreth, Bon Jovi, Anders Osborne, Kid Rock, Galactic, Lucinda Williams, Tom Jones, Jimmy Buffett, Arcade Fire, Willie Nelson, Gregg Allman, Eric Lindell, Ms Lauryn Hill, Ellis Marsalis, Sonny Rollins, John Mellencamp, Jeff Beck, Robert Plant, Wyclef Jean, The Dixie Cups, Wilco, Cindy Lauper, Maceo Parker, Pee Wee Ellis, Ahmad Jamal , Arlo Guthrie, Terence Blanchard, Tom McDermott, Ricky Skaggs…
Sachez aussi que tous ces musiciens, et beaucoup d’autres, comme McCoy Tyner, Kermit Ruffins,Trombone Shorty, Steve Earl ou encore Lloyd Price se produisent dans chacun des épisodes de la première saison d’une série télévisée fascinante initiée par HBO et intitulée « TREME – Won’t Bow Don’t Know How ». Le tournage de la deuxième saison est terminée, et en cours de diffusion aux USA. Une troisième saison est d’ores et déjà programmée. La première saison est disponible grâce à un coffret de quatre dévédés.
L’action se déroule à New Orleans, trois mois après la tornade Katrina, dans le quartier dévasté du Treme (1), là où habitaient – et habitent encore aujourd’hui – beaucoup de musiciens locaux. La musique est omniprésente dans cette série. Mais, bien sûr, plusieurs intrigues se déroulent autour d’une galerie de personnages non musiciens qui se battent pour survivre dans une ville dévastée : une restauratrice étoilée, mais fauchée, un DJ marginal et fantasque(Steve Zahn plus vrai que nature), un professeur de la Tulane University (John Goodman), en panne d’inspiration, et sa femme avocate, une tenancière de bar à la recherche de son frère, le Chief d’une tribus d’Indians qui tente de reconstituer son groupe et de préparer son costume pour le premier Mardi Gras après le passage de Katrina…
http://youtu.be/2jnSzAI3gCQ
Tout cela donne dix épisodes passionnants à suivre sur plusieurs plans, avec du suspense, de l’action et surtout beaucoup de musiques… A ce propos, Irma Thomas y chante aussi, mais elle se révèle aussi en joueuse de poker redoutable et féroce. En Belgique, le 08 août dernier, BeTv – chaîne cablée – diffusait le «making of » de 14 minutes, avant un document intitulé « Beyond Bourbon Street », d’une durée de 30 minutes (11 août), tandis et la programmation de la série à partir du lundi 15 août 2011 : recommandé sans réserves, et particulièrement le coffrent en version originale.
- Le Treme est un quartier du nord-ouest de la Nouvelle-Orléans. Au nord du Quartier Français et du Parc Louis Armstrong, flanqué à l’est par le Upper 9th Ward, et au Sud par le Lower 9th Ward, quartiers dévastés par les inondations consécutives à la rupture des digues du lac Ponchartrain, pendant l’ouragan Katrina (2005). Six ans après la catastrophe, le chantier de reconstruction est encore important (maisons, routes…), mais beaucoup de musiciens sont revenus y habiter.
Robert Sacré