Olivier Renault : John Lee Hooker ‐ Boogie Woogie Anyhow
Ce titre en fera tiquer plus d’un, le boogie woogie étant par essence un style pianistique, il n’était pas très judicieux de l’associer à un guitariste comme Hooker, même s’il est célèbre pour un riff de boogie caractéristique et répétitif… à la guitare ! (1) Cela dit, on ne compte pas un grand nombre de biographies consacrées à ce géant du blues, lequel, dans ce domaine, a inspiré entre autres, un britannique, Charles Sharr Murray (2) et trois Français , Gérard Herzhaft (3), Stéphane Koechlin (4), … et Olivier Renault ! Par ailleurs, Hooker est le sujet d’ un très grand nombres d’articles, d’interviews et d’analyses en magazines, ouvrages collectifs et publications diverses , sans oublier de multiples références sur Internet. Renault en a fait un recension bien fournie en fin d’ouvrage. Il s’en inspire très largement et en particulier de la biographie due à Murray qui, pour sa part, a longuement rencontré en face à face et interviewé Hooker. Son livre est bien documenté et pertinent mais on attend encore une traduction et en l’attendant, on a quand même ici une compilation décrivant les grands moments de la vie bien remplie d’un bluesman charismatique, dont l’originalité et le talent étaient exceptionnels.
On démarre logiquement avec l’enfance dans le Delta. On sait que la tenue des registres d’état civil dans les états du Sud et en particulier dans le Mississippi étaient lacunaires voire inexistants quand il s’agissait des Noirs. Hooker n’échappe pas à la règle et Renault développe longuement toutes les hypothèses concernant ses date et lieu de naissance (5), sa famille et ses premières influences musicales. Avec les chapitres suivants, on entre dans le vif du sujet, avec de brefs séjours à Memphis, Knoxville et Cincinnati. Puis l’installation à Detroit et le début des séances d’enregistrement pour Elmer Barbee, Bernard Besman, Joe Von Battle, les Frères Bihari (Modern Records) et d’autres, de 1948 à 1952. La verve et la créativité de Hooker étaient incroyablement fécondes. Il grava des disques à la chaîne, sa notoriété augmenta et il fut invité à prester 2 séances à Chicago pour Chess Records en 1951 et 1952, puis en Californie, chez Modern Records (1954) et Specialty avant de signer en 1955 chez Vee Jay Records à Chicago (6), une compagnie pour laquelle il réalisa une série impressionnante de singles (avec, entre autres, Jimmy Reed hca) qui figurent parmi les meilleurs de cette période de sa carrière. Renault consacre 2 longs chapitres à cette première partie de la vie de Hooker avec force détails et analyses.
Le 3è chapitre relate les années ’60 avec un tournant dans la carrière du bluesman. Ce sera la période « folk » pour Riverside Records. Hooker troque (temporairement) sa guitare électrique pour une acoustique et participe au Festival de Newport en 1960 (il y reviendra plus tard), sa discographie va s’enrichir de LPs 33 tours. Puis il va participer aux tournées American Blues Festival en Europe dès 1962 et conquérir le public ainsi que les groupes anglais de rock. Il va aussi connaître des problèmes de couple, faire un nouveau (et bref) passage chez Chess Records puis chez Impulse, ABC Bluesway, etc.
Le 4è chapitre couvre, encore de manière détaillée, les années ’70 et la conquête de nouveaux publics avec une collaboration marquante avec le groupe Canned Heat. C’est l’heure de gloire, de la renommée internationale et de rentrées financières appréciables. Dans le dernier chapitre, plus succinct, Hooker va s’installer dans sa notoriété et profiter de la vie, gravant encore toute une série d’albums avec de nombreux guests, jusqu’à sa mort en juin 2001.
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(1) Ce que Renault reconnaît lui-même page 106 ! Alors, pourquoi garder ce titre du livre ?
(2) C.S.Murray : « Boogie Man, The Adventures of John Lee Hooker in the American 20th Century » (Viking 1999, Penguin 2000)
(3) G.Herzhaft : « John Lee Hooker », Ed. du Limon 1991
(4) S. Koechlin : «John Lee Hooker », Paris Librio 2001
(5) Officiellement, Hooker est né en 1917 dans les environs de Clarksdale
(6) Compagnie fondée par deux Africains Américains (Vivian Carter et James Bracken) à Gary (Indiana) en 1953, mais transférée à Chicago en 1954
Olivier Renault
John Lee Hooker ‐ Boogie Woogie Anyhow
Le Mot et le Reste
360 pages, illustrations, discographie (sélective), bibliographie
ISBN : 978-2-36139-894-1