Orchestra Nazionale della Luna : Selene’s View
Les quatre messieurs de l’Orchestra Nazionale della Luna (le claviériste Kari Ikonen, le saxophoniste et flûtiste Manuel Hermia, le contrebassiste Sébastien Boisseau et le batteur Teun Verbruggen) dédient leur dernier album à Séléné, la déesse de la lune dans la mythologie grecque. Les sonorités éparses et planantes du début du morceau d’ouverture « Fragmentos del Silencio » créent une atmosphère légèrement glaçante. Comme si le quatuor laissait l’auditeur hésitant, dans l’incertitude. Peu à peu, cependant, des lueurs plus reconnaissables apparaissent. Dans ce cas, il s’agit principalement d’accents percussifs avec des sons de saxophone glacés en arrière-plan. Pourtant cela reste un mystère pendant neuf minutes, où il convient de chercher et de deviner où tout cela va nous mener. Une première réponse vient avec le tout aussi brumeux et sinistre « Data Lake » (emprunté au poète romantique et chef d’État Alphonse de Lamartine), plongé dans une nébuleuse obscure. Soit la suite du labyrinthe que ces messieurs ont dessiné. Jusqu’à ce qu’avec « Bialystok », ils changent les codes et que le mystère ne s’épaississe. L’ensemble oscille entre ruptures brutales et brèves images impressionnistes. Si des incertitudes subsistent, elles sont justifiées par un titre comme « Doubt Factory ».
Il est donc impossible de découvrir un CD de l’Orchestra Nazionale della Luna dès la première écoute. Plusieurs répétitions sont nécessaires pour résoudre l’énigme. Une fois que l’on y est parvenu, un monde dystopique s’ouvre à nous. Le livret trilingue du CD explique une à une les connotations politiques et sociales des morceaux. Par exemple, vous apprendrez comment ils relient le tango de Carlos Gardel à l’intelligence artificielle, le soutien financier européen aux pistes cyclables à des « fake news », ou encore le rythme Georgina d’Irak (Djurdjina, Jurjina) aux motifs classiques du raga indien Melakarta.
Ikonen et Hermia ont fourni le matériel. Les enregistrements ont eu lieu au studio BMC de Budapest entre le 15 et le 17 août 2023. Nous sommes curieux de voir la représentation en direct de ce mini space-opéra.
Traduction libre : Luc Utluk