Europa Berlin
Europa – Berlin (ONJazz Records / L’Autre Distribution)
Après “Europa – Paris“, voici que sort le deuxième opus de l’ONJ sous la direction d’Olivier Benoît. Le premier album était dédié à la Ville Lumière au travers d’une suite en six mouvements entrecoupés de courtes respirations. Dès ce premier album, Olivier Benoît optait pour un langage musical alliant, en parfaite symbiose, l’énergie du rock, l’interactivité collective et les envolées libertaires du jazz contemporain, tout en laissant des espaces de libre improvisation: une vraie réussite pour une formation parfaitement soudée. Le deuxième album est le fruit d’une résidence de création réalisée au Jazz Institut de Berlin, en novembre 2014, soit au moment de la commémoration des 25 ans de la chute du mur, l’occasion pour le guitariste-compositeur de se plonger dans l’atmosphère de la ville et de son architecture mais aussi dans la lecture du livre “Berlin, l’effacement des traces” : l’occasion d’appréhender cette ambivalence entre tentative d’oubli et mémoire, entre destruction du Berlin de la République Démocratique Allemande et inscription dans un paysage urbain reconstruit. Cette double inspiration explique le choix des titres qui rythment cet album de 14 plages : sept grands thèmes mettant en jeu toute la masse sonore de l’orchestre, comme L’effacement des traces, Métonymie, Révolution, Réécriture, Oblitération, Persistance de l’oubli ou Détournement, entrecoupés de courtes introductions jouées entre solistes (de l’intro bruitiste deL’effacement des traces à celle entre piano et claviers de Métonymie, en passant par le motif obsessionnel de la guitare sur l’intro de Persistance de l’oubli). Ce qui frappe d’abord, c’est la majesté des grands thèmes mélodiques, la riche palette sonore de l’orchestre, sa puissance compacte. Lorsqu’un instrumentiste se lance dans un solo, c’est toujours en dialogue avec le reste de l’orchestre : le trombone tempétueux de Fidel Fourneyron surL’effacement des traces, l’alto volubile d’Hugues Mayot sur Réécriture, la clarinette basse rageuse de Jean Dousteyssier et le ténor rageur d’Alexandra Grimal sur Métonymie, le violon alto impérial de Théo Ceccaldi sur Révolution intro part II, la trompette survoltée de Fabrice Martinez, d’abord avec sourdine wa-wa puis sans sur Réécriture, le piano de Sophie Agnel sur Oblitération, les claviers de Paul Brousseau sur Détournement. Chacun est parfaitement mis en évidence au travers de ces solos mais c’est la masse sonore globale qui impressionne peut-être le plus, au travers de thèmes qui se développent souvent en superposition à des motifs obsessionnels ( Révolution) et dont le tempo s’emballe galvanisé par le groove implacable de la rythmique (Métonymie). Si la sortie nationale de l’album est fixée au 27 avril, ce programme a déjà été présenté et le sera encore en concerts. Le 14 juin prochain, au Carreau du Temple, l’ONJ présentera, par ailleurs, l’avant-première d’ Europa – Rome, avec un programme dédié à la rencontre entre musique contemporaine et jazz, et composé, cette fois, non par Olivier Benoît, mais le Français Benjamin de la Fuente et l’Italien Andrea Agostini. Une nouvelle aventure en perspective.
Claude Loxhay