Paolo Fresu Quintet + Dadada

Paolo Fresu Quintet + Dadada

Auditorium della Musica, Rome – 30/07/2020

Le Paolo Fresu Quintet se trouvait dans la Ville Eternelle en cette fin de mois de juillet. JazzMania aussi… Un reportage comme si vous étiez assis au centre de l’Auditorium della Musica.

Paolo Fresu © Robert Hansenne

Après de longues semaines nous offrant uniquement de sympathiques (et parfois intéressantes) apparitions sur le net proposées par nos artistes préférés, l’opportunité pour ceux-ci de donner des concerts pour un public de 200 à 400 personnes se réalise enfin.

Profitant de quelques jours de villégiature à Rome, j’ai ainsi pu assister au concert du Paolo Fresu Quintet, avec le trio Dadada en première partie, à l’Auditorium della Musica. Ce complexe, conçu par l’architecte Renzo Piano est opérationnel depuis 2002. Il consiste en 3 salles de concert, de nombreuses petites salles de répétition et en la Cavea, amphithéâtre moderne pouvant contenir entre 3.000 et 6.000 personnes. Cet été, des artistes comme Nick Cave, Patti Smith ou Paul Weller devaient s’y produire. Ce 30 juillet, l’auditorium ne pouvait accueillir que 300 personnes, toutes masquées.

Dadada est le groupe du pianiste italien (installé à Paris) Roberto Negro. Ce groupe a sorti 2 albums : « Saison 3 » en 2017 (qui remporta le prix de « l’album sensation de l’année » aux Victoires du Jazz 2018) et le tout récent « Papier ciseau ». Accompagné d’Emile Parsien (saxophone soprano) et de Michele Rabbia (batterie, percussions), ce trio propose une musique onirique qui va de mélodies apparemment simples, voire naïves, à des moments plus complexes et de grande intensité, pendant lesquels Emile Parisien multiplie les interventions inspirées. Roberto Negro est un explorateur de sons, souvent insolites, parfois déconcertants, mais avec un lyrisme toujours présent. Très bon set de 45 minutes et comme l’expliquera Roberto Negro, ce concert avait une saveur particulière pour deux motifs : c’était le premier du groupe depuis l’interruption forcée liée à la pandémie et c’était dans ce même complexe romain que le groupe avait donné son premier concert, il y a 4 ans.

Après une petite cérémonie au cours de laquelle Roberto Negro se vit remettre des mains de Paolo Fresu, le prix de « meilleur espoir jazz 2020 » décerné par la Société Italienne des Auteurs et Editeurs, le groupe de Paolo Fresu prit directement possession de la scène. Depuis début juillet, Paolo Fresu sillonne l’Italie soit en duo avec le bandonéoniste Daniele Di Bonaventura, soit avec son Devil Quartet. Ce 30 juillet, 5ème des 7 concerts de l’historique Paolo Fresu Quintet avec, en invité, le jeune (32 ans) tromboniste Filippo Vignato, un des musiciens émergents de cette dynamique scène jazz italienne et vainqueur du prix « Meilleur Nouveau Talent 2016 » décerné par Musica Jazz, revue de référence en Italie.

Paolo Fresu © Robert Hansenne

Paolo Fresu © Robert Hansenne

Le Paolo Fresu Quintet en un petit historique : formé en 1984 par le trompettiste sarde Paolo Fresu. Ce dernier est entouré depuis les premiers jours par le pianiste Roberto Cipelli, le saxophoniste Tino Tracanna, le batteur Ettore Fioravanti et le contrebassiste Attilio Zanchi. Depuis 36 ans, les mêmes musiciens. Incroyable en ces temps où tout change si vite !

Ne croyez surtout pas que nous avons affaire à un (vieux) groupe qui va nous proposer son set habituel. Rien de tel avec le Paolo Fresu Quintet, toujours en évolution (ne fut-ce que par la présence de Filippo Vignato). Cette tournée est cependant basée sur un vieil album du groupe, qui vient d’être réédité (et remastérisé) par la Tuk Music (le label créé par Paolo Fresu), « Wanderlust ». Cet album a une histoire toute liégeoise comme l’expliqua Paolo Fresu pendant le concert. Invité au Festival de Jazz de Liège 1996, le Paolo Fresu Quintet donna un concert majestueux le 13 mai 1996 au Palais des Congrès. Une opportunité d’enregistrer un disque fut proposée par la RTBF, dont les studios étaient voisins des lieux du concert. C’est ainsi que le lendemain, le 14 mai, avec en invité le saxophoniste Erwin Vann, « Wanderlust » fut mis en boîte.

Ce soir, 4 titres de cet album sont proposés : « Trunca e Peltunta », « Favole », « Appuntamento sul treno » et « Touch Her Soft Lips and Part » de William Walton. A côté de ces titres, des extraits des nombreux autres albums du groupe. Dans cette set list, Paolo Fresu veille à ce qu’il y ait au moins une composition de chacun des musiciens et même une de l’invité Filippo Vignato qui va marquer ce concert de sa fougue juvénile, avec des passages improvisés qui font que chacun des musiciens donne le meilleur de lui-même (citons, outre Paolo Fresu bien sûr, les interventions d’un lyrisme toujours innovant de Roberto Cipelli et le dynamisme habituel d’Ettore Fioravanti).

Musicalement, il est clair que les influences de Miles Davis (surtout son deuxième quintet) et de Chet Baker n’ont pas complètement disparu, mais elles sont de plus en plus éloignées. La musique de Fresu allie recherche mélodique, curiosité, fraîcheur, inventivité, maturité avec une pincée d’ « italianité », qui fait tout son charme.

En résumé, 90 minutes de pur bonheur pour le public et les musiciens chez lesquels l’émotion était palpable. Comme l’expliquait Paolo Fresu à la fin du concert, « les musiciens ont bien essayé de trouver des parades, parfois très originales, face à cette période d’inactivité forcée, mais rien ne vaut le contact avec le public ».

Les photos appartiennent aux archives de Robert Hansenne

Sergio Liberati