Patrice Caratini, Instants d’Orchestre

Patrice Caratini, Instants d’Orchestre

Patrice CaratiniInstants d’Orchestre

CARAMUSIC

Le Patrice Caratini Jazz Ensemble fête son 20e anniversaire de belle manière: la sortie d’un album anthologie et deux concerts avec ses partenaires historiques, d’une part, Radio France qui a soutenu l’orchestre tout au long de son histoire, avec un concert Jazz sur le Vif au Studio 104, le 30 septembre à 20h30 et, d’autre part, la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux qui avait invité Patrice Caratini pour la création de son Jazz Ensemble en octobre 1997.  Ce Jazz Ensemble s’est constitué au terme d’un long parcours. On avait d’abord découvert le contrebassiste, en duo acoustique, avec le guitariste Marc Fosset (album Le Chauve et le Gaucher), parfois, avec Marcel Azzola ou Stéphane Grappelli en invité. Puis, en trio très orienté tango argentin, avec le pianiste Gustavo Beytelmann et Juan Jose Mosalini au bandonéon. 

En 1995, Caratini fonde une première large formation, le Onztet, déjà avec André Villéger au saxophone et Denis Leloup au trombone (albums Endeka et Viens dimanche, réunis en double cédé sous le titre Hard Scores). Caratini disait alors: “On a parfois du mal à imaginer la somme d’obstacles à surmonter pour faire vivre la musique. A tel point qu’il m’arrive souvent de me demander s’il n’est pas finalement plus difficile de réunir un orchestre que d’écrire ou jouer de la musique”. Douze ans plus tard, Patrice Caratini fonde son Jazz Ensemble avec lequel il enregistre sept albums en 20 ans. A propos de ce huitième album, il précise dans le livret: “Ceci n’est pas un best of”, mais une succession d’instants privilégiés, seule “expérience immédiate du temps” comme l’affirme Gaston Bachelard cité par Caratini. Des instants pris sur le vif et qui mettent en évidence sa richesse d’écriture et d’orchestration, la diversité d’atmosphère de ses créations comme la virtuosité de ses solistes. 

De l’album Darling Nellie Gray (Variations sur la musique de Louis Armstrong) sorti en 1999, il reprend deux de ses compositions, East End Blues et Ory’s dream. D’Anithing goes  (Les Chansons de Cole Porter) de 2000, avec Sara Lazarus au chant et Marc Ducret à la guitare, il réarrange de manière très personnelle What is this thing called love et ce My heart belongsto daddy, interprété par Sara Lazarus sur un tout autre tempo que Marilyn. De From the ground de 2002, il reprend Temps 1. De Latinidad, album de 2009, enregistré avec différents percussionnistes latinos, il reprend Pinta et Tierras. De Body and Soul, ciné-concert de 2013, il reprend Atlanta. Enfin, To the clouds est extrait de Petite suite pour Django de 2003 et Valse musette de Cinq miniatures pour tuba, dédiées en 2003 à François Thuillier. Un vrai parcours dans le temps qui ne met entre parenthèses que Chofé Biguine avec Alain Jean-Marie et De l’amour et du réel, un hommage à la chanson réaliste enregistré avec la chanteuse Hildegarde Wanzlawe. 

L’homogénéité du Jazz Ensemble vient d’une grande constance au niveau de la formation: peu de changements d’un album à l’autre. Une série de postes fixes: André Villéger au saxophone alto ou à la clarinette, Claude Egea et Pierre Drevet (du BJO) à la trompette, Denis Leloup au trombone, François Bonhomme au cor, François Thuillier au tuba (à une exception près) et Thomas Grimmonprez à la batterie. Une simple alternance entre deux ténors (Matthieu Donarier ou Stéphane Guillaume), entre Christophe Monniot (as) et Rémi Sciuto (as, bs), entre les pianistes Alain Jean-Marie et Manuel Rocheman, entre guitares avec David Chevallier ou Marc Ducret. Si Patrice Caratini n’a pas appelé sa formation orchestre ou big band, ce n’est pas en fonction du nombre de musiciens (une douzaine ou plus) mais parce qu’il ne s’agit pas d’une formation divisée en sections figées (saxophones, trompettes, trombones): on a affaire à un ensemble fondé essentiellement sur un dialogue entre une masse sonore compacte, à la très large palette sonore (clarinettes, cor, tuba, banjo) et une succession de solistes: Monniot et Egea sur East End Blues, Thuillier sur Valse musette, Sara Lazarus, Claude Egea et Alain Jean-Marie sur What is this thing called love, David Chevallier au banjo et Manuel rocheman sur Pinta, Matthieu Donarier au ténor torturé sur From the ground, Sara Lazarus et Rémi Sciuto sur My heart belongs to daddy, David Chevallier et François Thuillier sur Atlanta, Denis Leloup sur Ory’s dream, Pierre Drevet sur l’enflammé Tierras, André Villéger et Alain Jean-Marie sur To the clouds. En guise de conclusion, ces paroles de Patrice Caratini qui résument toute l’originalité de sa démarche: “J’envisage le concert comme une narration où toutes les parties musicales doivent faire sens… alors je soigne le détail, je travaille sur les micro-interactions entre les musiciens.”

Claude Loxhay