Pépites #12, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Thiefs, Graft – La greffe
Au sein de la formation franco-américaine Thiefs, on s’autorise toutes les libertés. Y compris celle d’orthographier son nom de façon douteuse. Liberté d’expression aussi : le rappeur/romancier Gaël Faye (en français dans le texte) et le poète américain Mike Ladd (en anglais, vous l’aurez deviné) se faufilent dans un flow sensible entre les notes et les beats electro-acoustiques manigancés par les filous. Filous au nombre de trois, avec dans le rôle du cerveau de la bande, le saxophoniste Christophe Panzani, dont les complices s’occupent de la rythmique (Keith Witty à la basse, David Frazier Jr aux drums). Régulièrement, le claviériste Aaron Parks (auteur ces derniers temps d’enregistrements pour le compte de l’écurie ECM) vient leur prêter un coup de main. Pour certains larcins, l’aide extérieure apportée par un spécialiste aux bras longs est toujours la bienvenue, quitte à partager ensuite le butin en parts plus réduites. Cinq ans après avoir fomenté un premier « casse » remarquable d’inventivité, Thiefs nous présente une nouvelle exploration fusionnelle, entre jazz et hip-hop. Il sera question de déracinements – dont la greffe représente la métaphore – et d’identités perdues, avec, discrètement dissimulés derrière une toile de fond, un trafic de grooves que la peau lisse n’est pas prête d’endiguer. A surveiller de près car la mise à prix de leurs têtes ne cesse d’afficher des chiffres de plus en plus élevés…
Nicola Conte & Spiritual Galaxy,
Let Your Light Shine On
Nicola Conte est né à Bari, là où le soleil et l’Adriatique s’enlacent fiévreusement devant un plat de panzerotti arrosé d’un rosso un peu frais (les Italiens ne s’en offusquent pas). On se souvient parfaitement des glorieuses années « disco » qui ont fait se trémousser toute l’Europe au fond des bars de Rimini et de Riccione. L’Italo… Un diminutif qui se suffisait à lui-même pour décrire cette sorte d’amalgame d’un bonheur saoul mélangé à un peu de kitch flamboyant. Savoir-faire, recherche des plaisirs : l’écoute d’un disque comme celui-ci arrive à point ! Nul besoin pressant à la réflexion. Une seule envie : le ressourcement en eaux douces. Et pour y contribuer, l’afro-funk rutilant de « Let Your Light Shine On », qui galvanise l’auditeur de son ton sensuel et charnel. Impossible d’attribuer cette plaque brûlante à un guitariste. C’est bien Nicola Conte et sa casquette de DJ qui s’y collent. Quoique… Son « Spiritual Galaxy » ne se compose pas uniquement que de consoles ! Zara McFarlane, Magnus Lindgren, Theo Crocker ou encore Gianluca Petrella apportent à l’édifice une sacrée dose de soul & grooves. Certes, le miel et le sirop de l’easy listening coulent parfois en abondance au fond des gorges, mais dans sa grande majorité, cet album nous fait plutôt penser à Roy Ayers, dont le fantôme plane au-dessus de l’une ou l’autre tueries comme « Uhuru Na Umoja » ou encore « Love Power ». Let’s Dance !
Glass Museum, Deux
« Deux », comme un gars et un autre gars. Un kit de batterie et un set de claviers. Le Yin et le Yang; la complémentarité et la dualité. Enfin, « deux » comme les origines différentes dont proviennent les deux musiciens tournaisiens : le rock en ce qui concerne le batteur Martin Grégoire et la musique classique en ce qui concerne le claviériste Antoine Flipo. Une formule déjà testée avec succès au Nord du pays par la paire SCHNTZL (un album pour le compte du label W.E.R.F.). En entrechoquant les vues opposées Glass Museum (un patronyme qui pourrait avoir été emprunté au groupe de post-rock américain Tortois) définit les contours d’un univers loin du chaos, mais qui en appelle malgré tout à la curiosité et au goût de la découverte. Les six (longues) plages de l’album prennent aussi bien la direction du néo-classique que celle d’un jazz moderne enivrant, façon GoGo Penguin. Et s’il n’en restait que deux, ce pourrait être ces deux-là…
Yves “Joseph Boulier” T.