Pépites #24, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
The Gödel Codex, Oak
Lorsqu’il nous a présenté le projet « The Gödel Codex », Michel Delville nous a fait part de son souhait de se diriger, dans ce cas précis, vers une forme plus « song » (et donc chantée) de la musique. Il a également cité Wyatt, et en effet, les références au Robert à barbe ne manquent pas. Y compris au niveau de la voix, d’un mimétisme interpellant. Mais au juste qui occupe ce charroi ? Outre le pré-cité Michel Delville que nous ne présentons plus, The Gödel Codex se compose également d’un vieux complice du Wrong Object (Antoine Guenet) et du batteur du Rêve d’Elephant Orchestra, Etienne Plumer. Ce trio, déjà aguerri de façon naturelle à l’utilisation de machines, est renforcé par la présence du vidéaste et créateur de musiques électroniques, Christophe Bailleau. Si ce « Oak » démarre sur une ouverture qui ne ferait pas tache dans le répertoire de Massive Attack ou de Depeche Mode, la suite se repose essentiellement sur des compositions qui allient subtilement électro-jazz et rock progressif. Soit, nos chères années « patchouli » qui épousent les sons d’aujourd’hui. Soirée de présentation exceptionnelle au Centre Culturel des Chiroux (Liège), samedi procahi, le 01 février 2019.
Dominique Vantomme, Vegir
On retrouve à nouveau Michel Delville (décidément au four et au moulin en ce moment), cette fois en qualité de sideman aux côtés du claviériste flamand Dominique Vantomme. Vantomme qui abandonne ici et provisoirement son penchant pour la musique pop/rock de qualité (ne citons que la seule An Pierlé) pour prendre une tangente nettement plus aventureuse et improvisée, soit un jazz-rock à haute teneur progressive. Quoique. Mettons avant tout en exergue l’accessibilité de ce « Vegir » dont la sensibilité des mélodies touche à l’état de grâce, et ce, malgré les noms ronflants couchés sur la feuille de match. Outre les deux musiciens mentionnés plus haut (qui ne sont déjà pas des « manchots ») on note la présence à la rythmique de Tony Levin (celui du King Crimson) ainsi que du batteur multifonctionnel gantois Maxime Lenssens. Ce qui aurait pu (dû…) tourner à une démonstration technique et glaciale prend en vérité la voie d’une musique énergique (certes), mais surtout envoûtante. En dépit de ses longueurs (huit titres pour septante-quatre minutes !) jamais l’ennui ne semble pouvoir nous guetter. Une belle réussite !
Dairo Miyamoto , Last Picture
Dairo Miyamoto et Jun Miyake étaient inséparables. Une amitié et une collaboration longues de presque trente-cinq ans les soudaient l’un à l’autre lorsque Dairo a demandé à son complice trompettiste qu’il l’aide à produire ce qui devait être « une approche différente de tout format existant, une approche innovante du jazz » Il intitulerait ce disque « Last Picture ». Dairo se sait condamné, Jun ignore cette information. Les opérations se suivent et lorsque le saxophoniste/multi-instrumentiste décède, seuls deux titres ont été écrits, un seul a pu être enregistré. June Miyake (une star au Japon, qui a travaillé aussi bien pour Wim Wenders, pour Pina Bausch ou encore Arto Lindsay) décide néanmoins d’achever ce « Last Picture » testamentaire. Une bonne partie de cet album se compose ainsi d’une bande-son écrite pour la pièce de théâtre « Ghosts », une musique qu’ils ont utilisée tous les deux à l’époque (2011), mais qui n’avait encore jamais été diffusée. D’autres compositions inédites s’ajouteront, issues des archives soigneusement gardées durant ces années de collaboration. S’il est vrai que « Last Picture » aurait pu être attribué à Jun Miyake, qui en a composé l’essentiel du matériel, ce disque met avant tout en valeur le jeu libre et « innovant » de Dairo Miyamoto. Exactement ce qu’il aurait voulu entendre.
Joseph « YT » Boulier