Pépites #31, Around Jazz

Pépites #31, Around Jazz

Around Jazz, quelques pépites…

C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.

Anguish, Anguish

RARENOISE RECORDS

Je suis sorti de la maison. Très tôt, il faisait encore nuit à cette heure-là. La tempête battait son plein, déversant ses bourrasques de grêle froide et éventrant les sacs-poubelle que les habitants avaient abandonnés devant chez eux la veille. J’ai parcouru les trottoirs jonchés d’emballages en plastique et de détritus de toutes sortes. En quelques instants, les vents et la pluie m’avaient transpercé les vêtements. Mon parapluie, aussitôt démembré, devenait davantage un fardeau qu’une protection. Mais il fallait avancer, le plus vite possible, dans un paysage hostile et une solitude devenue angoissante. « Angoisse » (Anguish)… C’est justement le nom de ce groupe dont j’avais transféré l’album sur mon lecteur MP3. Mieux qu’un groupe en fait. Une association momentanée composée de membres du collectif de hip-hop expérimental Dälek, avec des musiciens de l’ensemble de free suédois Fire!Orchestra, le tout rehaussé de la présence de Joachim Irmler, membre fondateur du groupe de krautrock Faust. Cinq personnalités venues d’horizons si différents que le résultat de cette combinaison en devient simplement miraculeux. Un flow menaçant, un sax ténor zornien, un drum dynamique et des nappes sonores brumeuses. Je suis arrivé à destination sans plus trop savoir si cette musique avait conditionné mon raisonnement ou si ces gars-là ne venaient pas de composer la bande-son rêvée de l’apocalypse. Et ça m’a franchement emballé !         
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Christoph Irniger Pilgrim, Crosswinds

INTAKT RECORDS

Retour au calme après la tempête. Enfin presque, dans le chef d’un ténor sax qui s’octroie de temps à autre un écart mélodique, comme on se permettrait de manger un spéculoos en période de régime. C’est franchement pas une grosse entorse au règlement. La musique qui en découle, comme un flux raisonné, n’en deviendra pas plus free qu’elle ne l’est déjà. Apaisant, certainement, mais riche aussi en belles surprises. Christoph Irniger, puisque c’est de lui qu’il s’agit, sévit dans la mésosphère du jazz (en très haute altitude donc) depuis une dizaine d’années, avec son projet suisse Pilgrim. Un quintet : rythmique plus ténor plus guitare plus piano. Au tabouret, Stefan Aeby, dont Jazz Around vous a déjà parlé. Une poignée d’albums enregistrés en terrain connu (Intakt), d’une limpidité presque douteuse et dont ce « Crosswinds » tout simplement fondant et feutré, vous invite à en reprendre une couche. Volontiers !      

Karin Clercq, La boite de Pandore

GABAL PRODUCTIONS

Karin Clercq, la « Femme X », a débarqué sous nos casques d’écoute il y a un peu plus de quinze ans. La jeune Bruxelloise était alors considérée comme un véritable espoir de la chanson/rock belge en vogue à cette époque. L’aide précieuse que lui apportait Guillaume Jouan (complice émérite de Christophe Miossec…) à la composition, lui permettait notamment de décrocher des contrats au Canada et en France. Avant que le soufflé ne retombe quelque peu. S’il n’est déçu, cet espoir-là en tous cas n’est pas totalement abouti. Par la suite, la chanteuse s’est faite plus rare, au profit de la comédienne que l’on retrouvera quelques fois sur les planches d’un théâtre ou sur nos écrans de télévision. Notez également pour mémoire, une nouvelle collaboration avec Guillaume Jouan (sous le pseudo Kate & Joe BB) et une courte incursion dans l’univers de la chanson pour enfants (avec le collectif Karma). Dix ans après avoir sorti un dernier sous son nom, Karin Clercq se lance à nouveau dans l’aventure périlleuse d’un album à défendre en radio et sur scène (on y reviendra). Elle a composé majoritairement les titres de cette « boite de Pandore » (exit Guillaume Jouan) et s’est entourée d’associés solides (Sacha Toorop, Alice « Kùzylarsen » Vande Voorde, Emmanuel « Roscoe » Delcourt…) qui offrent à cet album une touche de modernité. Si la « boite de Pandore » symbolise les maux de nos sociétés (traduits ici en textes graves), au fond de ce coffret subsiste l’espoir, celui de retrouver un public prêt à la suivre de nouveau. Comme, par exemple, au Centre culturel de Seraing, ce 15 mars 2019, au Bouche à Oreille de Bruxelles, le 26 avril 2019 ou encore aux Francofolies de Spa cet été…

Joseph « YT » Boulier