Pépites #42, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Under the Surface,
Trinity
Ils sont trois, néerlandais. « Sous l’eau » ou plus clairement dans « un monde parallèle », recroquevillés sous la forme d’un trinôme quasi mystique. Ces trois-là sont des pointures, reconnues sur leurs plates terres. Joost Lijbaart (drums, percussions), Sanne Rambags (voix, avec ou sans textes) et Bram Stadhouders (guitare et tout le reste) accumulent à eux trois de nombreuses années d’expérience dans le jazz, le rock et les musiques improvisées. A ce sujet, on reste abasourdis lorsqu’on lit, dans le livret qui accompagne le cédé : « All music improvised », en captation live qui plus est ! La maîtrise affichée par le trio touche au spiritualisme illuminé ! Comme Dead Can Dance, ce duo auquel on pense ici à plusieurs reprises… Mais on pense aussi à Mari Boine, fantastique chanteuse laponne, pour la puissance qui se dégage du propos. Pour la faculté de mener un bout de mélodie intéressante vers les sommets hallucinés d’une symphonie de dix minutes. Au-delà des mots, au-delà des ressentiments, il y a cette musique, véritable spasme collectif que je vous invite à découvrir sans plus attendre.
Marilyn Mazur’s Shamania,
Shamania
Les historiens du jazz affirment que Marilyn Mazur est la seule femme ayant jamais fait partie d’un groupe de Miles Davis. On les croit sur paroles. La percussionniste danoise se démarque de la masse pour d’autres singularités. C’est elle qui, à la fin des seventies, a fondé le Primi Band, un ensemble expérimental composé uniquement de femmes qui compensaient leur manque d’expérience par une énergie et une témérité sans limites. C’est un peu dans cet état d’esprit qu’elle forme, quarante ans plus tard, le Shamania. Dix femmes, qui ont la particularité de provenir toutes de la scène avant-gardiste scandinave. De vraies professionnelles cette fois. Marilyn Mazur porte le projet sur ses épaules, en assurant les relais et les compositions. Relais entre les âges (la plus jeune, la batteuse Anna Lund, n’a que vingt-huit ans), entre les sensibilités musicales. Compositions qui alternent doux moments et courses agitées. Parfois captivant, toujours audacieux !
Hippie Diktat,
Gran Sasso
Nous avons entamé cette rubrique « pépites » avec de l’aérien, du vaporeux… Autant vous prévenir tout de suite que nous la terminerons avec du lourd, du lourdaud même. Hippie Diktat ne fait pas commerce dans la dentelle. La formule choisie (marteau, distorsion, appel d’air) est la même que celle utilisée par le Painkiller de John Zorn ou le GOD de Kevin Martin. Oui, des fêlés. A quelques nuances près tout de même. D’abord, la répétitivité à outrance remplace les micro-mélodies. Ensuite, pas de hurlements vocaux chez ces doux Parisiens. « Seulement » un batteur qui entretien ses ampoules, un saxophone baryton qui tonne et une guitare saturée qui entonne. Pour un tout qui détonne délibérément… Quatre-vingt-neuf pourcents des auditeurs abandonneront l’écoute avant la moitié du premier des quatre (très longs) titres du cédé. C’est une erreur car c’est sur la longueur de l’album ou (parfois) d’un seul titre que la magie de l’hypnose opère. Bien entendu, «Gran Sasso» ne s’apprécie pas un matin de gueule de bois, et bien évidemment, le port du casque est fortement conseillé…
Joseph « YT » Boulier