Pépites #69, Around Jazz
Around jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus.
Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
48 Cameras,
Songs from the Marriage of Heaven & Hell E.P.
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Chosen Songs
Jean (Marie) Mathoul défraie à nouveau l’actualité, sans doute une dernière fois.
Jean (Marie) nous a quittés il y a peu de temps, laissant un grand vide autour de lui. Ce type était une véritable encyclopédie vivante ! Il savait TOUT ! Un passionné qui a transmis son virus auprès de tout qui l’approchait… (comme il aimait le dire, « je lui dois tout ! »). Littérature (surtout américaine), peinture, cinéma… et, évidemment, musique : il avait un avis éclairé sur tout ce qui était bon à prendre ou à rejeter. Il se faisait un malin plaisir, avec une fausse modestie, à vous faire découvrir les bas-fonds de l’underground et des laissés-pour-compte. 48 Cameras, son groupe à géométrie variable dont il était en vérité le seul maître à bord (et qu’il aimait parfois appeler « mon bébé ») aura finalement tenu le coup jusqu’au bout… Maintes fois, pourrions-nous même dire à la sortie de chaque disque, Jean (Marie) a prétendu que « ce disque sera certainement le dernier de 48 Cameras ». Mais il n’en croyait sans doute rien… Quelques semaines plus tard, il contactait un ami musicien (son carnet d’adresses était très fourni) et redémarrait de nouveaux enregistrements… Le dernier (il faudra s’y faire) a ainsi été enregistré avec la complicité de Edward Ka-Spel (The Legendary Pink Dots), qui déclame ici quelques poèmes de William Blake. Son titre évocateur « Songs from the Marriage of Heaven & Hell » trahit l’état dans lequel Jean (Marie) Mathoul se trouvait lors des enregistrements. C’est peu dire qu’il ne tenait pas la forme, ni physiquement, ni moralement. Et la musique de ce disque en est le reflet , une musique très lente et sombre… Il ne l’aura malheureusement pas vu : les caisses ont été livrées au moment où il décédait à l’hôpital de Huy. Pour la distribution de cet opus, un accord a pu être trouvé entre les derniers héritiers du temple et le distributeur alternatif MANDAÏ.
Historiquement, on aurait pu s’en tenir là… Mais les archivistes de la nouvelle génération n’ont pas encore dit leur dernier mot… Comme nous l’avons vu, Jean (Marie) savait se montrer charismatique, et plus d’un se sont fait happer dans sa toile. Ziggy Devriendt par exemple qui, certes, a dû s’y prendre à deux reprises, mais qui a su tenir bon. Jean (Marie) pouvait aussi se montrer manipulateur et intraitable… Si ce jeune Ostendais et son label Stroom souhaitaient publier un LP vinyle compilant les œuvres de 48 Cameras, ce serait à ses conditions à lui, ou pas… On ne parle évidemment pas d’argent ici (il n’en n’a jamais été question au sein du projet 48 Cameras, quelque soit le collaborateur) mais bien du choix des titres. L’accord sera finalement tombé juste à temps. Huit titres triés sur le volet, parmi une discographie abondante (une quinzaine d’albums publiés en tout) et un choix qui fait la part belle à l’un d’entre eux : « I Swear I Saw Garlic Growing Under My Father’s Steps » (2002). La plupart des autres disques sont clairement délaissés, mais surtout, ne vous fiez pas au choix restrictif de Jean (Marie) Mathoul. Jetez-y une oreille attentive si vous en avez l’occasion. Entre-temps, Ziggy et sa jeune garde peuvent être fiers du résultat obtenu, y compris du visuel, qui représente le logo que Jean (Marie) s’était fait tatouer sur un bras. Le culte demeure ainsi intact.
Joseph « YT » Boulier