Phil Abraham, jazz in Belgium

Phil Abraham, jazz in Belgium

PHIL ABRAHAM : NUITS à SEATTLE

Phil Abraham (c) Jos Knaepen

 

Pour  Phil Abraham, cette histoire est un film qui devient réalité : une semaine de cours, de concerts et de jam aux USA !… Qui fait du bien quand on se sent un peu oublié en Belgique… Pour compléter cet entretien réalisé par Jean-Pierre Goffin, nous republions ici une interview croisée entre Phil Abraham, Claude Barthélémy, Sylvain Kassap et François Corneloup, à l’initiative de Claude Loxhay et reprise dans le numéro 12/1997 de Jazzaround.

 

Incontournable musicien de jazz en Belgique et en Europe, Phil Abraham est une véritable référence sur son instrument, le trombone : des collaborations avec des grands noms de la scène internationale jazz comme Dee Dee Bridgewater, Michel Petrucciani, Maria Schneider, Toots Thielemans… ou de la grande chanson française comme Claude Nougaro, Charles Aznavour ou William Sheller ne sont que quelques unes de ses références. Sans oublier sa participation comme premier membre  belge à l’ONJ (« Orchestre National de Jazz » français) de Laurent Cugny, puis de Didier Levallet. Ajoutons-y une dizaine d’albums en leader et on n’aura qu’un petit aperçu de la place de l’artiste dans le monde du jazz.

 

Alors, qu’il soit aujourd’hui appelé à donner deux jours de masterclass aux Etats-Unis surprend à peine…sauf peut-être l’intéressé :

« Ça doit être une première dans l’histoire du jazz belge ! Tous ceux qui y sont allés l’ont fait de leur propre initiative. Mais  les moyens de communication rendent les choses possibles : j’ai été contacté via facebook par un Américain qui me disait aimer ma musique, visiter mon site etc… mais ce genre de choses arrivent régulièrement sans qu’il y ait une suite… »

L’invitation vient de la Mercer Island High School de Seattle où Phil Abraham aura l’occasion de donner des masterclasses, mais pas seulement : « Je dois bien sûr parler de ma musique, mais il y a des concerts prévus aussi dans la Saint Mark’s Cathedral, ou dans des clubs locaux et à l’école. Cette High School a un nombre incroyable de cuivres qui ont plein d’activités, d’énormes défilés… »

Ce qui a intéressé cette High School dans la musique du tromboniste ? « C’est le jazz en trio et les deux albums que j’ai enregistrés dans cette formule. Je pense que ça a un rapport avec la façon dont c’est joué plus que ce qui est joué. On me dit, voilà chez nous on a des trombones comme Bill Watrous ou Conrad Herwig, mais toi tu as quelque chose de différent, le rapport entre le trombone et le scat ; je dois être le seul à pratiquer cela. C‘est vrai que je ne joue pas du tout comme les deux trombonistes qu’ils citent : Watrous joue avec un très faible volume, Herwig a un jeu beaucoup plus puissant. »

Phil Abraham (c) Jos Knaepen

Paradoxalement, voilà un de nos musiciens parmi les plus appréciés à l’étranger, mais qu’on entend rarement chez nous : « Je ne joue plus souvent en Belgique, mais je suis souvent appelé en France pour des projets plus intéressants… comme dans le Nord de la France où deux albums vont bientôt sortir : l’un avec une fanfare où je suis soliste, l’autre comme invité d’un bigband. En Belgique, on ne prend plus trop au sérieux les gens de ma génération… On a tendance à les oublier. Certains ont un mal de chien à trouver des dates alors qu’ils ont un nouvel album à présenter… Un organisateur de festival me dit qu’aujourd’hui, il table plus sur les jeunes… Ca fait plaisir !! Bien sûr il y a une jeune génération qui attire un nouveau public, mais il faut aussi voir à quelles conditions ils jouent, c’est parfois incroyable ! Et les organisateurs profitent de cette situation : les jeunes musiciens amènent leurs copains et remplissent les salles sans qu’il y ait  le travail de promotion de la part des clubs ! Avec facebook, on transfère la responsabilité de la promo vers les musiciens et non plus vers les organisateurs… Et certains clubs les paient 25€ pour une soirée, c’est incroyable ! Quel festival n’a pas aujourd’hui son concours de jeunes groupes ? Ca permet d’étoffer son programme sans débourser ! On demande aux jeunes du Conservatoire de s’occuper de l’animation pour pas un rond !  A côté de cela, un musicien comme Eric Legnini qui tourne dans le monde entier ne remplit pas facilement une salle en Belgique ! Bert Joris ou David Linx, à part avec le BJO, on les voit souvent en Belgique ? »

 

Phil Abraham (c) Jos Knaepn

Constat sévère, mais n’est-il pas général, la situation est-elle vraiment différente chez nos voisins ? « Oui. Je joue parfois dans des petites villes où je ne suis pas spécialement connu, et les salles sont pleines, des salles de 150 ou 200 personnes. L’organisateur a convaincu les gens de se déplacer. Au Conservatoire de Douai où j’enseigne, quand il y a un concert de professeurs, la salle de 500 places est remplie ! Parce qu’ils ont une bonne façon de travailler. »

Alors pour entendre Phil Abraham chez nous, il faudra sans doute attendre la sortie d’un prochain album qui se prépare avec un personnel qui promet : « Tout est en place, reste à trouver l’opportunité de réunir tout le monde : Sylvain Luc vit en France, Heyn van de Geyn en Afrique du Sud et Mino Cinelu à New York… Je ne sais pas encore où on va enregistrer cela, ce qui est sûr, c’est qu’il y a aura deux ou trois compositions à moi, j’aime le mélange de compositions et de standards….Et puis il y aura une partie chantée… »

Jean-Pierre Goffin