Quentin Dujardin 4tet : 2020 Live

Quentin Dujardin 4tet : 2020 Live

Agua Music

Quelques notes légères de guitare nylon, un accordéon nostalgique, le premier titre, « Baroque », pose les bases d’un répertoire construit sur l’harmonie, le son et l’émotion. Je me souviens de cette composition un peu triste qui figurait sur l’album « Water & Fire » et pour lequel avait été tourné un étrange clip vidéo montrant, sur un rivage, une guitare qui se consumait lentement dans un feu intérieur. En concert, ce morceau n’a rien perdu de sa profondeur ni de son caractère énigmatique : au contraire, la musique monte en puissance et, dans le silence d’un public conquis, impose une atmosphère onirique qui a le même pouvoir de suggestion qu’un film de cinéma.

« Baroque » s’enchaîne avec « Blues For M & N » emmené par une guitare entre folk, blues et rock. Quentin en profite pour prendre un solo plein de nuances : on entend les doigts qui glissent avec souplesse sur le manche tandis que Boris Schmidt fait vibrer sa contrebasse et que le batteur Manu Katché marque le rythme lancinant avec son admirable assurance, avant de s’aventurer dans un chorus intégré inattendu qui met le feu avec une pointe de férocité au lyrisme ambiant.

Huit autres morceaux nous attendent, constituant au total, avec les deux premiers inclus, un répertoire dépassant les 70 minutes. Contrepoints, unissons écrits et extensions improvisées mettent en exergue la totale complicité entre les musiciens. La qualité des harmonies et des mélodies mais aussi la grande variété des styles abordés ne laisse aucune chance à l’ennui de s’installer. Du diaphane « Madagascar » avec ses subtils accents world à « Dany on the Road » en forme de folk-rock acoustique où il ne manque que la voix d’un Neil Young, en passant par un « Val De Gore » enjoué – dédié à un souvenir d’enfance : un restaurant ouvert par sa mère dans lequel le jeune Quentin donna ses premiers concerts – et un « Avril » aux accents délicats, le quartet délivre une musique inclassable aux confins du folk, du jazz et des bandes de musiques de film.

Ce disque enregistré en concert, le premier pour Quentin Dujardin, s’inscrit entièrement dans la vision esthétique féconde et généreuse de son leader et donne une image sincère et séduisante de sa musique telle qu’elle est interprétée « live ».

Pierre Dulieu