Ramon van Merkenstein Trio : Quiet Dreams
Cet aventureux trio s’est créé autour du contrebassiste d’origine néerlandaise Ramon van Merkenstein, basé à Bruxelles depuis une dizaine d’années. La configuration basse-guitare-batterie est classique mais la musique, elle, l’est beaucoup moins. Couvrant un large spectre d’approches, elle est parfois mélodique et parfois exploratoire, au-delà du confortable, incluant des effets divers et des phrases suspendues remplies de résonances habitées. On pourra s’en rendre compte à l’écoute de « Quiet Dreams », une composition du leader écrite pour son fils Elias. Sur un ostinato entêtant de basse, le guitariste d’origine italienne Gabriele di Franco délivre des sonorités vaporeuses d’où émerge une mélodie angulaire et ensuite une improvisation de haut-vol. Ramon lui succède en prenant un beau solo en haut du manche de son instrument. Guitare et contrebasse s’épaulent l’une l’autre et s’entendent à merveille pour sculpter une ambiance éthérée avant de s’unir autour du motif initial que le batteur Lieven Venken prendra plaisir à dynamiter juste avant la coda. Cette musique est cohérente, évolutive et constamment en équilibre entre un discours limpide et une approche plus libre.
La sonorité globale de l’album est organique comme si le trio avait été capté « live » en studio, ce qui est probablement le cas. Sur quelques titres, la guitare a un son saturé et même « sale », qui renvoie à un jazz-rock vintage comme Larry Coryell en délivrait dans les années 70. D’autres compositions comme « Passing On » créent des univers plus évanescents évoquant une forme de sérénité. La guitare frissonne, joue avec les effets ou délivre des lignes limpides qui montent parfois en bourrasque, comme emportées par le vent au bord du chaos. On ne manquera pas non plus de mettre en exergue le jeu du leader dont le phrasé et la sonorité renvoient aux grands contrebassistes comme Dave Holland, Ron Carter et Charlie Haden, trois hommes qui ont marqué sa culture de musicien alors qu’il étudiait encore au Conservatoire Royal de Bruxelles.
Disque ambitieux et exigeant, « Quiet Dreams » est aussi sans compromission et requiert une attention constante de l’auditeur : le voyage est parfois reposant et parfois tendu mais toujours passionnant. Ce début discographique marque en tout cas l’émergence d’un trio homogène avec une expression personnelle, qu’on se réjouit de suivre dans ses futurs développements.