Rare Noise, pépites#16

Rare Noise, pépites#16

Les pépites#16

RareNoise Records, un bruit qui court

Très régulièrement, soit au rythme d’un groove implacable, RareNoise Records nous envoie des rondelles susceptibles d’alimenter la rubrique « pépites » chère à tout amateur de belles découvertes ou avide de scandales sonores insolites. Il y a dix ans, Giacomo Bruzzo quittait son Italie natale pour gagner Londres et y édifier son business qui, aujourd’hui encore, se permet de multiplier les publications sans concessions, et ce malgré la crise que connaît l’industrie du disque. On vous en a réservé quelques-unes pour une rentrée qui s’annonce décapante.

The Jamie Saft Quartet, Blue Dream

L’homme n’est pas le premier venu… Actif dans la galaxie avant-gardiste Tzadik, à gauche de Dieu – John Zorn – le Père, le pianiste new-yorkais Jamie Saft a multiplié les collaborations incendiaires ou libres. Quand il a dû choisir entre le reggae et le metal, il n’a pas hésité un seul instant : il a pris les deux… Etrange, ce « Blue Dream » ! Dont les plages abritent côtes à côtes un free d’une beauté captivante (« Vessels ») et la lecture (trop) sage d’une ballade de Frank Sinatra « Violets Fou Your Furs ». Etrange jusqu’au mixage, exécuté à la manière des anciens. La batterie (du très recherché Nasheet Waits) occupe le canal de gauche tandis que l’on entend le piano du leader sur celui de droite. Les autres membres du quartet, la basse (Bradley Jones) et le ténor (Bill McHenry) se situent plein centre. Jamais aussi impressionnant que quand il convoque un chambard organisé (« Sword’s Water »), Jamie Saft cherche et trouve ici une liberté de jeu qui doit sa pertinence à une vitalité sans failles…

The End, Svarmod Och Vemod Ar Värdesinnen

Plus puissant encore, The End, un patronyme qui évoque l’apocalypse, est issu d’une alliance internationale audacieuse. Une chanteuse expérimentale éthiopienne façon Diamanda Galas (Sofia Jernberg), les Norvégiens Kjetil Moster (saxophones) et Anders Hana (guitares), le batteur américain Greg Saunier et un leader suédois (Mats Gustafsson, saxophones). C’est ce dernier qui annonce la couleur : « (…) On ne divertit pas, on n’illustre pas . (…) Chacun devrait écouter cette musique librement ». Nous voici avertis ! « Svarmod Och Vemod Ar Värdesinnen » (à prononcer sans pause…) est un disque de jazz-core exigeant, puissant et inouï au sens propre du terme. En remontant le cours d’eau à contresens, The End nous déstabilise à bon escient… Et ça, c’est plutôt bien !

 

WorldService Project, Serve

Dans la série « bande de fêlés », le WorldService Project de Dave Morecroft (claviers, hurlements et incantations…) se débrouille pas mal non plus. Avec « Serve », ils en sont à leur quatrième méfait, le deuxième pour le compte de RareNoise Records. S’en tenir à la description d’un groupe folklorique loufoque serait trop simpliste. Derrière leur dégaine de Monty Python trash, les Londoniens cachent un talent de musicien assez incroyable qui leur permet de repousser les limites du jazz rock symphonique dans ses derniers retranchements. Avec l’outrecuidance d’un Zappa et quelques pauses théâtrales incongrues, le WorldService Project serait bien au jazz ce que l’opéra est à la musique classique…

 

Sonar With David Torn, Vortex

On connaît tous David Torn, l’Everyman Band, ses nombreuses interventions pour soutenir les envolées lunaires de Jan Garbarek. Lorsque Henry Kaiser lui a suggéré d’écouter attentivement la musique d’un quartet suisse qui évolue sous le doux nom de Sonar, le guitariste américain s’est poliment exécuté… Il ne l’a pas regretté puisque mieux qu’un projet de production ou de direction artistique, ce « Vortex » est le fruit d’une véritable collaboration « 4 + 1 » dont le résultat est tout simplement hypnotisant ! Trois guitares, une basse et une batterie occupent chacun un espace de jeu bien défini, ce qui permet d’organiser des entrelacs d’arpèges et de sonorités planantes. Un peu de douceur dans ce monde de brutes, ça fait du bien aussi !

 

Yves « Joseph Boulier » T.