
Rasgueo : Eleven
Ce projet syncrétique est le fruit d’un quartet qui inclut le guitariste Nikos Tsiachris, le trompettiste allemand Martin Auer, le bassiste, également allemand, Martin Lillich et le batteur et percussionniste espagnol Jose Manuel Ruiz Motos « Bandolero ». D’origine grecque mais aujourd’hui basé à Berlin, Nikos Tsiachris a d’abord joué du flamenco dans sa forme traditionnelle avant de faire évoluer son art vers une musique plus éclectique et internationale qui mêle accents andalous et improvisations jazz à des mélodies et rythmes piochés occasionnellement dans d’autres cultures. Par ailleurs, le fait d’associer la guitare à un trompettiste comme deuxième soliste est certainement singulier, d’autant plus que cette musique fusionnelle est propulsée par des rythmes à consonance ibérique. Précisons encore que le mot « Rasgueo » en espagnol se rapporte à l’action de « gratter » les cordes d’une guitare avec les doigts. Quant au titre de l’album, « Eleven », il renvoie simplement à diverses concordances comme le fait qu’il est sorti 11 années après la création du groupe ou que le répertoire est constitué de 11 morceaux dont deux sont écrits en 11/8.
On l’aura compris : si l’album tire son inspiration initiale du flamenco, il s’aventure bien au-delà en proposant des pièces variées qui font beaucoup voyager. Alternent ainsi une plage aux couleurs africaines (le joyeux « Gute Laune »), une autre avec de subtils effluves latins (« Colombiana »), un « Crossing Paths » plus jazzy et un « Dilemma » plus complexe doté de belles envolées de trompette, un « Malaguena » aux accords nostalgiques typiques du sud de l’Espagne et d’autres encore parfois pimentés de flagrances moins distinctes. Tout cela est fort bien intégré en un ensemble homogène, éclairé par une dynamique expressive due en partie à l’alliage inhabituel des timbres des deux instruments solistes. C’est avec beaucoup de plaisir qu’on suit cette musique agréable, raffinée et singulière.