Ray Suhy & Lewis Porter Quartet : What Happens Next
Sunnyside Records / Xango Music
Ray Suhy est depuis 2015 le guitariste de Six Feet Under, un groupe de « death metal », sous-genre musical viscéral encensé par les amateurs de musique extrême et ignoré par pratiquement tous les autres. Mais il se trouve qu’au-delà des riffs saignants, de la vélocité et du volume, Ray Suhy est aussi enclin à jouer de la musique moins radicale. Baigné pendant ses années d’études par les sons mélodieux et transcendantaux de John Coltrane et de Miles Davis, il en a gardé un amour pour le jazz. Sa rencontre avec le pianiste Lewis Porter lui a permis de concrétiser cet intérêt via la sortie de trois albums dont celui-ci.
Le son de sa guitare est aux antipodes de celui qui prévaut dans Six Feed Under. A la fois clair et fluide, son jeu est ici mis au service des mélodies et si la vélocité n’en est pas totalement exclue (écoutez par exemple « Volition »), il n’est jamais démonstratif. Complété par le bassiste Joris Teppe et le batteur Rudy Royston, le quartet interprète huit compositions originales, dont cinq de Suhy, deux de Porter et un morceau collectif, ainsi qu’une reprise inattendue de « Brake’s Sake » de Thelonious Monk. Ce dernier morceau met en relief le talent d’improvisateur du pianiste en même temps que la « culture jazz » du guitariste très à l’aise dans ce contexte be-bop. La tradition du jazz est d’ailleurs toujours présente en filigrane comme en témoignent « Ralos » qui est un contrefait du standard « Solar » et « All the Things and Then Some » qui renvoie au « All the Things You Are » de Jerome Kern. Quant à « Four Worlds », il s’agit d’une belle série d’accords propices à l’improvisation (le bassiste Joris Teepe y participe aussi) qui n’est pas sans rappeler un certain jazz modal joué jadis par le premier quintet de Miles. Enfin, on épinglera les frénétiques « Saturn » et surtout « Volition » sur lesquels le guitariste plonge dans la fusion et libère ses démons, dévalant son manche à toute vitesse et intensifiant le volume. Dynamique de jeu et beauté du son, prise de risque et respect de la tradition, échanges spontanés et variété des styles comme des compositions, « What Happens Next » est un disque qui force l’écoute de la première à la dernière note.
