Retour sur un carré d’as du «Jazz à Liège 2023»
C’est un choix : se limiter à deux concerts par soirées, histoire de garder l’esprit clair et l’impression – souvent altérée dans la formule festival – d’assister à de vrais concerts et non à une course boulimique d’extraits pour avoir l’impression d’avoir tout vu.
Trio Grande à la Cité Miroir
Auréolé d’un CHOC dans le « Jazz magazine » et du retour de deux dates françaises – le super « Jazz sous les Pommiers » à Coutances et « Le Triton » à Paris – « Trio Grande » a débarqué bien rôdé, pour ne pas dire chaud, sur la scène de la « Cité Miroir » avec le répertoire de « Impertinence ». L’impertinence, c’est pour le trio débuter le concert avec un ancien titre, histoire de nous dérouter un peu et de nous prouver aussi que Laurent Dehors, Michel Massot et Michel Debrulle n’ont pas pris une ride ! Pris par le concert de la première à la dernière note, je n’ai pas comptabilisé le nombre de rôles joués par l’iconoclaste rouennais, de mémoire : clarinette, clarinette basse, clarinette contrebasse, sax ténor, sax soprano, cornemuse à soufflet, pipeau, sans compter les variantes sonores au micro et les effets de sourdine « sur mollet » ! En ai-je oublié ? Et les sousaphone, tuba et trombone de Michel Massot. L’appellation « plus petit big band du monde » liée à Trio Bravo n’a rien perdu de sa pertinence avec « Trio Grande ». Clairement, l’« Impertinence » de ce trio nous rend « Heureux » que ce soit en « Charleston », en « Taiko Blues » ou en « Menuet Transfiguré », c’était un concert d’ouverture du vendredi qui a résonné dans nos têtes quatre jours durant.
MP85
Michel Portal 85 ! Et 87 pour ce concert au Trocadéro. Quelle extraordinaire invention ! Quel sens de la musique ! Quel plaisir que ce concert ! Et un quintette parfait, d’un équilibre total : on aurait envie – et je n’étais pas le seul de cet avis, chauvinisme belgo-belge oblige – de mettre en avant le jeu d’une fluidité exceptionnelle de Lander Gyselinck, véritable pourvoyeur de swing velouté et sans esbroufe. Mais ce serait oublier la puissance de Bruno Chevillon flamboyant de bout en bout, les effets multicolores apportés par Bojan Z aux claviers électriques, au piano acoustique et aux percussions sur la table du piano, au contre-chant inspiré de Nils Wogram au trombone. Tout le répertoire de l’album, ou à peu près, avec des incursions dans le passé, dont le final « Cuba Si Cuba No » de l’excellentissime « Baïlador ». Ovation debout pour le maître.
Stéphane Galland & The Rhythm Hunters
Mais quand s’arrêtera donc le batteur d’Aka Moon, de LOBI, de KEM, Polar Dwarfs… Et voici une nouvelle formule tout aussi exaltante autour de ses élèves du KCB, le conservatoire flamand de Bruxelles. Wajdi Riahi au piano, Pierre-Antoine Savoyat à la trompette, Shoko Iragachi au sax, la bassiste Louise Van den Heuvel et le déjà bien connu Sylvain Debaisieux au sax. Stéphane Galland laisse l’avant-scène à ses musiciens, tous à un niveau d’excellence, la musique est rythmiquement forte, le pianiste apportant souvent un décalage rythmique original. On est emporté de bout en bout par l’énergie de ce sextet dont on attend les prochains concerts avec impatience.
Black Lives !
Ils étaient quinze – si j’ai bien compté – à se relayer sur la scène du Troca, et à apporter un message humanitaire fort dans la bonne humeur. Et quelques grosses pointures qu’on ne voit pas assez souvent chez nous : Federico Gonzales-Pena aux claviers, Jeremy Pelt à la trompette, David Gilmore à la guitare, Reggie Washington à la basse électrique et contrebasse, Gene Lake et Marque Gilmore sur les deux batteries, DJ Grazzhoppa, Tutu Puoane… Et quel concert !! J’oublie Jacques Schwarz-Bart, Jean-Paul Bourelly… Un concert d’une puissance rare, le slam incisif de Sharrif Simmons, les voix féminines, les enchaînements de solos tous au plus pointus, échevelés. Si le message ne passe pas après un tel concert, c’est à n’y rien comprendre. C’était beau, fort et revigorant.