Richard Comte & Sébastien Lespinasse : Traverser Noir
De visu, la couleur s’annonce, s’affiche et empreint indissolublement la pochette : le noir. Le titre, en petits caractères, est à l’avenant : « Traverser Noir ». La plage d’ouverture aussi : « Avancer dans l’épaisseur ». Dès les premières notes, l’auditeur est plongé dans un univers clos, enceint, obscur, tenant à la fois d’un tableau de Soulages et d’une non-histoire de Beckett (on ne peut s’empêcher de songer au texte « Le Dépeupleur »). La voix de Sébastien Lespinasse est monocorde, sans affect, dépourvue de tout lyrisme. Elle évolue uniformément sur la trame des guitares modifiées tissée par Richard Comte. Les deux morceaux qui lui succèdent, « Orchestre Vagues » et « Tactiles conditions de l’écoute » sont du même acabit et frôlent également la dizaine de minutes chacune. Au fur et à mesure de l’écoute, on se dirige vers une masse sonore plus dense, plus compacte, plus sombre encore. « Les écluses », qui clôt le disque, est la plus longue des compositions. Elle dit la nuit. Elle dit ce que la nuit couvre et recouvre, voile et dévoile. Une énumération patiemment scandée de lieux, ou plutôt de non-lieux à la façon de ceux de Marc Augé, et des choses inertes. Un disque noir assurément mais qui joue et se joue de ses nuances. De ses 50 nuances de noir.