Robert Keßler : Little People

Robert Keßler : Little People

Edition Collage

Dès le premier titre éponyme, ce guitariste berlinois séduit par ses vibrations profondes et veloutées qui mettent en exergue une mélodie dont la beauté n’a d’égale que sa simplicité. C’est tout le bois du corps de la Gibson ES-175 de Robert Keßler qui s’exprime dans cet enregistrement à la sonorité riche et chaleureuse. La connivence avec la contrebasse d’Andreas Henze atteint par ailleurs des hauteurs insoupçonnées, les deux instruments se superposant avec intelligence sur la trame légère et parcimonieuse du batteur Tobias Backhaus. S’ensuivent des improvisations qui évoquent une toile impressionniste par leurs nuances subtiles et délectables. Le lyrisme est permanent et le charme opère tout du long, jusqu’au retour de la mélodie qui revient s’imbriquer avec grâce avant la fin du morceau.

Emotion est le maître mot de cette musique, que ce soit sur les cinq morceaux originaux ou sur les deux reprises de standards : « Nobody Else But Me » de Jerome Kern et la ballade « My Ideal », ici rendue dans un superbe arrangement dépouillé qui met en exergue tout le romantisme de cette composition de Whiting et Chase (on imagine sans peine un Chet Baker chanter les paroles de Leo Robin sur cette trame sensuelle et délicate).

A peine plus nerveux, « Night Stories » met en évidence les influences multiples du guitariste. Un zeste de Jim Hall, un autre de Jonathan Kreisberg, même si, dans l’ensemble, le style reste personnel. On sent bien de toutes façons que ce qui motive Robert Keßler, ce n’est ni de jouer comme l’un ou l’autre mais plutôt de mettre son talent au service de la composition. Ce qu’en ses propres termes, il traduit par la formule : « il s’agit toujours de la chanson. La musique n’a pas besoin d’ego ». « Le Pull Vert » laisse quand même apparaître une référence plus marquée à Bill Frisell dont il émule certains effets dans une approche atmosphérique.

Ecouter « Little People », c’est entrer dans un univers de raffinement qui mène à la joie. Servi par une prise de son impeccable, c’est en définitive un de ces albums rares qui transcendent les frontières de ce qu’on attend habituellement d’un trio guitare/basse/batterie.

Pierre Dulieu