
Ronan Guilfoyle’s Bemusement Arcade : At Swing Two Birds
Fondé en 1977 pour éditer les albums du légendaire guitariste Louis Stewart, le petit label dublinois Livia Records donne de ses nouvelles en sortant un disque du bassiste Ronan Guilfoyle, leader du Bemusement Arcade Quartet qui inclut son fils, le guitariste Chris Guilfoyle, le saxophoniste alto Sam Norris et le batteur Darren Beckett. Les références musicales sont aussi larges que modernes avec un répertoire quand même centré sur le be-bop. Ainsi, le thème du titre éponyme, qui est basé sur deux morceaux de Charlie Parker, est franchement bop avec des solos répartis entre le guitariste et le saxophoniste tandis que « Lenniesphere », comme son nom l’indique, évoque les mélodies angulaires du pianiste Lennie Tristano. On retrouve d’ailleurs sur « Dulcetti » le genre d’arrangement sophistiqué et cette rigueur intellectuelle dont Tristano et ses grands complices, Warne Marsh et Lee Konitz, étaient coutumiers. Comme les boppers, le quartet de Ronan Guilfoyle n’hésite pas à s’approprier des trames harmoniques de standards – on se souvient du fameux « Koko » de Charlie Parker décliné sur la grille de « Cherokee » – comme ici une version endiablée de « Diversionary Tactics » basée sur les accords du « I Got Rhythm » de Gershwin. Même les deux blues du répertoire (« Two Blues » et « Blue Angles ») sont traités de manière à rester sur la même orbite. Tout ça constitue un album cohérent, profondément marqué par le maniérisme et les structures formelles du be-bop, mais qui défend avec passion un jazz irlandais innovant, à la fois libre et pétri de tradition.