Rotem Sivan, A New Dance
Rotem Sivan, A New Dance (Fresh Sound)
Un mariage d’idées entre vieux et nouveau continent.
Il était au « Bravo » à Bruxelles ce 6 octobre et ceux qui ont assisté à son concert ont sans doute bien eu de la veine. Pas trop grave pour les autres, car le guitariste retraversera nos contrées sous peu, j’en prends le pari. Né à Jérusalem, il suit des études classiques à la Buchmann-Mehta School of Music de Tel Aviv avant de plonger dans le milieu du jazz new-yorkais où il se fait remarquer avec des musiciens comme Peter Bernstein, Ari Hoenig, Ben Street ou Ferenc Nemeth et se retrouve régulièrement sur les scènes des Smalls, Birdland, Blue Note ou Jazz Gallery. Ses performances et ses premiers albums ne laissent pas indifférents les chroniqueurs du « New York Times » ou de « DownBeat » qui voit en lui un remarquable talent et une nouvelle voix sur la scène américaine. Son troisième album sort cette année chez nous, un trio de base composé du guitariste, du bassiste Haggai Cohen Milo et du batteur Colin Stranahan, avec le sax-ténor Oded Tzur sur I Fall in Love Too Easily et le chanteur Daniel Wright sur Almond Tree, une des sept compositions originales du leader. Angel Eyes et In Walked Bud complètent la liste des standards de l’album, le guitariste y dévoilant une superbe sonorité, privilégiant un jeu discret, tout en finesse –même dans les envolées plus électriques. Les compositions originales se fondent dans ce même respect de la tradition dont le groove et la soul ne sont pas absents. Une chaleur qui tient aussi à un enregistrement « studio live » avec un public réduit et à la proximité des musiciens dont l’interaction est remarquable. L’album s’ouvre sur A New Dance où le drumming de Colin Stranahan est mis en avant, Sun & Stars, miniature d’une minute, fait penser au toucher cristallin de Philip Catherine, avant que la contrebassiste n’introduise le thème d’Angel Eyes suivi d’un solo électrisé du guitariste, tout comme dans la version énergique de In Walked Bud. Je passerai sans enthousiasme sur le court morceau vocal, Almond Tree, avant un final sans faute : Fingerprints a le groove d’un Scofield et I Fall In Love Too Easily étonne par les sonorités rares d’ Ozed Tzur au sax-ténor, instrument difficilement reconnaissable dans l’introduction; le saxophoniste a étudié la musique indienne dont il transpose les sonorités du bansuri au ténor de façon tout à fait surprenante. Sans orgies de décibels et stridences électriques, Rotem Sivan se classe dans la catégorie de ces musiciens américains, jeunes ou moins jeunes, celle des Peter Bernstein ou Jonathan Kreisberg, qui se réfèrent au son feutré des anciens tout en se créant un langage original sur de nouvelles compositions.
Jean-Pierre Goffin