Sal La Rocca

Sal La Rocca

Sal La Rocca, la genèse de “Shifted”

Après une longue interview retraçant son riche parcours il y a quelques mois (ICI), le contrebassiste liégeois évoque les origines de son troisième album personnel, “Shifted”. Un disque produit par deux labels, l’un francophone, Igloo, l’autre néerlandophone El Negocito de Gand, avec un quartet réunissant deux Wallons et deux Flamands. L’occasion d’une double tournée : Jazz Lab en Flandre et Jazz Tour du côté francophone en  janvier 2019.

Propos recueillis par Claude Loxhay

Photos de Robert Hansenne et Maël G. Lagadec (cover)

Comment est venue l’idée de ce quartet ?

A l’origine, il y a un trio en compagnie de Jeroen Van Herzeele (saxophones) et Lieven Venken (batteur), avec lequel on a joué notamment au Festival Jazz à Liège. Et, entretemps, Pascal Mohy (piano) m’a appelé pour jouer dans son trio, dans un autre contexte. Or, il n’y avait pas de piano pour ce gig, seulement un Wurlitzer. Et j’ai beaucoup aimé ce son, un son tout à fait particulier que je voulais utiliser. C’était l’occasion de demander à Pascal de se joindre au trio, tantôt au piano, tantôt au Wurlitzer, un instrument inédit pour moi, avec une sonorité différente d’un Fender Rhodes. C’est parti comme cela.

Tu connais Jeroen depuis longtemps, tu l’as croisé au sein de la première version de Mâäk Spirit et pour Ode for Joe, avec Peter Hertmans (guitare) en 1996…

Oui, avec Jeroen, on a d’abord joué en trio, avec Stéphane Galland à la batterie, fin des années 1980 – début 1990. On avait joué dans pas mal d’endroits. Et je l’ai souvent retrouvé par la suite.

N’a-t-il pas aussi remplacé Jacques Schwarz Bart pour certains concerts du répertoire de “It Could Be The End ?

Oui, mais assez rarement. A l’époque, j’avais plutôt pensé à Erwin Vann, c’est avec lui qu’on a fait les concerts les plus importants, comme à Jazz à Liège. Dans ce cadre, Jeroen, je ne l’ai invité qu’une fois, je crois.

Quand as-tu rencontré Lieven ?

Lieven, je l’ai toujours connu, il était toujours dans le paysage. On a eu l’occasion de jouer ensemble de temps en temps. Je ne peux plus situer exactement ce moment, mais cela fait certainement une quinzaine d’années qu’on s’est croisé. Comme il était souvent à New York, nous n’avons pas fatalement pu nous croiser souvent.

Et Pascal ?

Il était déjà là pour le disque précédent, “It Could Be The End”. Et j’avais fait partie de son trio pour l’album “Automne” en 2008, avec Joost Van Schaik à la batterie. Donc je le connaissais avant.

Tu as mis sur pied un vrai quartet interactif : chacun a participé à l’écriture du répertoire…

Oui, c’était un souhait que chacun ait aussi son mot à dire, sa part d’écriture. Jeroen a écrit Psalm, Lieven, Waiting et Pascal, Bicycle.

Ce qui amène des climats différents : Psalm, comme ta composition Shifted, présente un caractère très coltranien…

Oui, un aspect coltranien mais, en même temps, ce sont deux morceaux exécutés différemment, avec un esprit différent. Shifted est plus moderne, plus actuel, plus véhément et Psalm serait plutôt dans l’esprit des années 1960 : ce morceau émane de cet esprit-là, plus spirituel.

Waiting, le morceau de Lieven est plus paisible…

Oui, en fait, à l’origine, c’est une valse et puis, on a décidé de jouer rubato, sans tempo spécial : juste jouer le thème pour un peu changer les habitudes, parce que, chaque fois qu’on joue une composition, on improvise dessus. Et là, on ne joue que le thème qu’on a étiré au maximum.

Les thèmes joués au Wurlitzer, notamment les deux compositions avec Phil Abraham en invité, développent un autre climat, plus hard bop…

Tout à fait. Phil est aussi un très vieil ami, une rencontre encore plus ancienne. Je tenais à ce qu’il joue sur un ou deux morceaux. Je trouvais que le trombone pourrait être un plus pour ce genre de musique : il joue  sur Ragga et Cache-cash. Je trouve que dans Cache-Cash, il prend un solo merveilleux.

Seul morceau à n’être pas un original, c’est Syndrome de Carla Bley. Pourquoi ce choix ?

C’est plutôt Jeroen qui a suggéré ce thème. A côté des composiitons originales, je voulais faire l’une ou l’autre reprise. J’en avais plein d’exemples possibles, de Coltrane ou Rollins. Jeroen m’a aiguillé vers ce thème de Carla Bley que Paul Bley a joué en trio. On a écouté ce morceau et on a décidé de l’inclure : il correspond bien à l’esprit énergique de l’album.

Le quartet tourne bien, en novembre, tu as participé à la tournée JazzLab en Flandre…

Cela a bien marché en Flandre. Le quartet réunit d’ailleurs deux Flamands et deux Wallons. Le problème pouvait être la présentation des morceaux mais les organisateurs des JazzLab nous ont dit : “Ne te casse pas la tête, le public aime bien qu’on parle en français : parle français et tout le monde te comprend”. Alors, j’ai un peu bidouillé: j’ai appris quelques phrases en flamand.

Tu participes à la fois au Jazz Lab et au Jazz Tour, ce qui est plutôt rare…

Oui, mais le disque est produit par deux labels : un francophone, Igloo et un néerlandophone, El Negocito de Gand. C’est un peu pour cela que j’ai eu les deux tournées.

Au Jazz Tour, tu as huit dates, chose rare également…

Oui, mais, en Flandre, les groupes peuvent en avoir jusqu’à douze. Je suis content de passer par de grandes villes : Bruxelles, Liège, Dinant, Eupen et, en principe, on sera invité, en mai, au festival Jazz à Liège qui manifeste une belle fidélité à mon égard. J’ai reçu la confirmation hier. Ce projet est bien parti.

Concerts

9/1: Bruxelles, Jazz Station

12/1: Senseruth, Blanc Bouillon

18/1: Comines, Open Music

19/1: Eupen, Junglinghaus

20/1: Diant Jazz Club

23/1: Liège, Jacques Pelzer’s Jazz Club

24/1: Nivelles, Jazz au stade

26/1: Mazy, Jazz9.