Samuel Maingaud : Odayin
L’Aéronote / Inouïe Distribution
Ce projet du saxophoniste français Samuel Maingaud a été en grande partie construit autour d’un instrument : le duduk, une sorte de hautbois joué dans le Caucase et devenu récemment un des symboles de la musique arménienne. Contrairement à son nom qui n’est pas spécialement connu du grand public, le son du duduk est en revanche entré dans la culture populaire occidentale par le biais de bandes originales de films dans lesquelles sa sonorité à la fois douce et grave a été utilisée à bon escient comme, entre autres, dans celles de « Dune », « La Dernière Tentation du Christ », « Gladiator » ou « Avatar ». Loin d’être hors de propos, les références cinématographiques conviennent également à cet album où l’on trouve un titre (« Lullaby », interprété au saxophone soprano) qui renvoie aux bandes originales composées par Danny Elfman et d’autres co-écrits par Alexis Maingaud, frère de Samuel, actif dans la création de musiques pour des courts et longs métrages.
Toutefois, plutôt que de replacer le duduk dans son contexte familier, Samuel Maingaud a préféré le mettre en scène dans une approche hybride où le jazz et des instruments électrifiés comme l’orgue Hammond B3 (Fred Dupont) et la guitare (Nenad Gajin) se mêlent à la musique « world » et aux rythmes métissés. Le résultat est non seulement des plus originaux mais il est aussi très agréable à écouter. Que ce soit sur « Dudukali » et son groove léger ou sur les harmonies planantes de « Airduk », on est enchanté par la finesse des inflexions mélodiques, les sonorités chaleureuses et la limpidité d’une musique qui parvient continuellement à stimuler l’imagination.
Mais l’album offre également une autre facette, avec des titres sans duduk dans lesquels le leader fait aussi preuve de sa maîtrise des divers saxophones. On appréciera notamment l’hommage à Jan Garbarek sur « Mysen » (nom de la ville de naissance du musicien norvégien) qui inclut un beau solo expressif de sax ténor ; le déjanté « 13 Au Bar » joué au baryton sur une métrique complexe et rehaussé de riffs et d’un chorus rageur de guitare ; et le splendide « Demoiselle », un duo sax alto / guitare qui rend hommage à Michel Legrand, autre compositeur majeur du cinéma.
Samuel Maingaud est parvenu à un équilibre étonnant qui tire le meilleur parti de plusieurs traditions et styles musicaux. En conséquence, « Odayin » est un album aux qualités multiples : il est à la fois original et sophistiqué, mais aussi atmosphérique et pourvoyeur d’images, ce qui le rend totalement accessible même à ceux qui n’ont pas l’habitude d’écouter du jazz.