Sarah, Mathilde, Guillaume et les autres…
Le jazz, remède contre le froid.
par Jean-Pierre Goffin
La Hesbaye sans électricité et sans eau ! Heureusement il y a le jazz ! Ceux qui ont bravé le froid ont bien eu raison : la musique a réchauffé les âmes. A Hannut d’abord. Cela fait belle lurette que l’équipe du Centre Culturel de Hannut s’ingénie à nous faire découvrir des talents hors des sentiers battus, loin de la programmation quotidienne des radios et des standards du marketing musical, et on aimerait que ça dure. Que ce soit du jazz, de la musique du monde, de la chanson française, on ne rentre jamais déçu d’un concert à la salle Rosoux de l’Académie ou au Henrifontaine à Bertrée. Malheureusement, les nouvelles options prises au Ministère de la Culture, réduisent drastiquement les concerts, une politique qui touche les musiciens en premier lieu, mais aussi le public fidèle de ces concerts.
Et ce dimanche enneigé (17/01), où panne d’électricité, d’eau ou de télé avaient déjà bousculé nos habitudes, la programmation allait encore une fois ravir. Mathilde Renault d’abord, une pianiste raffinée, une chanteuse qui peut se faire âpre ou cristalline qu’on a déjà eu la chance d’entendre en duo aux côtés de son pianiste de père ou en duo avec Jonas Knuttson, entre autres. Cet après-midi, elle était invitée à préparer le public à la magie du rêve et de la poésie musicale, une ouverture tout en finesse d’une quarantaine de minutes à peine, faite d’anciennes compositions et d’une pièce coécrite avec son père, un projet à suivre. « Oak Tree », le trio atypique voix-violoncelle-accordéon, lauréat du concours du Gent Jazz, ce qui lui a permis de sortir un album avec invités tout à fait splendide, suivait. Il débutait sur la mélodie légère de Magicians, suivi du pétillant Kitchen Mandolin, deux pièces extraites de leur dernier album « Well ».
Un peu plus loin, on goûtait à une nouvelle composition de Thibault Dille (accordéon) toute en complicité et espièglerie entre l’accordéon et le violoncelle. Place à l’imagination aussi sur une autre nouveauté sans paroles, La Femme à Barbe où Sarah Klenes s’accompagne à la caisse claire. On ne pouvait que frémir sur l’introduction au violoncelle de A Change Is Gonna Come, ce magnifique thème plein d’espoir de Sam Cooke. Et l’invité surprise annoncé en présentation de concert n’était autre que Sébastien Walnier, un deuxième violoncelliste qui se glissait délicieusement dans l’atmosphère éthérée du bien nommé Oufti Oufti, histoire de se préparer au remplacement d’Annemie Osborne pour le concert programmé à l’Opéra de Reims. Que ce soit pour ceux qui découvrent « Oak Tree » ou pour ceux qui ont déjà assisté à un concert du trio, la magie, la complicité et la bonne humeur sont toujours au rendez-vous, des ingrédients qui transforment cette musique singulière hors des sentiers battus en une musique populaire comme on a envie d’entendre plus souvent.
Le week-end suivant, les centres culturels de Huy et Amay s’associaient pour offrir une carte blanche au guitariste Guillaume Vierset. A la tête de deux des projets les plus réussis de ces dernières années, le « LG Jazz Collective », créé à l’origine pour célébrer les compositeurs liégeois, et « Harvest », dédié aux songwriters de son adolescence (Nick Drake, Neil Young), Guillaume Vierset n’est pas du genre à faire les choses à moitié. Et on pouvait lui faire confiance : cette soirée ne serait pas un double plateau confortable où on alignerait gentiment le répertoire des deux formations. L’installation scénique ne laissait aucun doute sur la question, on aurait droit à de joyeux croisements, dont on peut imaginer qu’ils ont demandé un sérieux travail d’arrangements pour que la sauce prenne ! Dès le premier opus, First Act tiré de « Harvest », Igor Gehenot (piano), Jean-Paul Estiévenart (trompette) et Steven Delannoye (saxophone) se joignaient au quintet.
Une douce transition piano-guitare introduisait Around Molly du même album. Avec l’arrivée de Rob Banken (saxophone) et de Fabio Zamagni (batterie), le personnel était au complet pour trois pièces du « LG », Grace Moment, Move et le très énergique Carmignano d’Eric Legnini où les cuivres sonnent à merveille. Moment de tendresse ensuite avec Welcome Maëlle, une composition originale dédiée à la dernière venue dans la famille Zurstrassen, suivi d’une autre nouveauté au climat apaisé November Song. On en était à sept pièces déjà et on n’avait pas vu le temps passé. Avec The End Is Always Sad, on passait encore à une vitesse supérieure : une intro quasi impressionniste d’Igor Gehenot avant un superbe solo de Yannick Peeters (contrebasse), puis le thème se révèle tout en rythme avec un nouveau solo inspiré d’Igor, citant à plusieurs reprises Carmignano. « Nick D » puis « A » de Lionel Beuvens (batterie) clôturaient le concert : comme pour célébrer leur confrère batteur, Yves Peeters et Fabio Zamagni entamaient « A » par un échange survolté avant que les quatre souffleurs (Mathieu Robert, au saxophone, complétant le carré) n’accentuent le côté hispanisant de la composition de Lionel Beuvens. En rappel, Don’t Let It Bring You Down de Neil Young réunissait le « onztet », clôturant plus de cent minutes de bonheur ininterrompu.
Nota Bene :
ACADEMIE D’AMAY, 30 ANS DÉJÀ !
A vos agendas ! Les 5 et 6 mars prochains, l’Académie d’Amay réservent quelques belles surprises pour les trente ans de sa classe de jazz. Des profs aussi réputés y donnent ou y ont donné cours : Pirly Zurstrassen, Philippe Doyen,Daniel Stokart, Alain Rochette, Jacques Pirotton, Antoine Cirri… et un des premiers élèves à en être sorti n’est autre qu’Eric Legnini !
Pour l’événement, plusieurs formations seront reconstituées et on ne ratera pas le retour de « H », le septet de Pirly Zurstrassen (piano, accordéon) dans sa formation d’origine, le quintet de Richard Rousselet (trompette) et Michel Mainil (saxophone) avec José Bedeur à la basse, le duo Barbara Wiernik (chant)-Alain Pierre (guitare),un duo Jacques Pirotton(guitare)-Fabien Degryse (guitare) et le quartet de Sébastien Jadot (trombone). Le dimanche propose une brocante jazz, un rallye jazz sur le site de la Paix-Dieu, un concert solo de Fabien Degryse et l’inévitable jam en clôture de programme.