Sophie Tassignon : A Slender Thread

Sophie Tassignon : A Slender Thread

Nemu

Nous ne sommes pas monolithiques. Nous sommes faits de milliards de particules et de milliers, si pas de millions, de petites choses inconnues, toutes interconnectées entre elles. Nous ne le soupçonnons qu’à peine. C’est ce que Sophie Tassignon nous révèle, sans le vouloir sans doute, dans ce nouvel album assez indéfinissable et tellement personnel. On connaissait déjà le goût de la vocaliste et musicienne pour l’éclectisme culturel. Elle le confirme ici – et va encore plus loin – avec ce fascinant « A Slender Thread ». En effet, ce « fil ultra mince » relie autant le spirituel que l’agnosticisme, l’Orient que l’Occident, la poésie que la technologie. Dès l’entame, avec « Erbarme dich » (de J.S. Bach), Sophie Tassignon tisse un pont aussi improbable qu’évident entre le baroque et l’ambiant électro, qui se prolonge sur « A Slender Thread » en un angoissant et troublant chant (superbe chant !), lacéré d’effets rythmiques post-industriels et cosmiques. Et ce voyage envoûtant dans l’étrange et le sacré ne fait que commencer. L’artiste mélange des chants et des poèmes slaves, libanais, syriens, qu’elle habille de grooves sourds, de légères distorsions ou de hoquètements staccato. Parfois, émergent les notes plus claires d’un piano (« Marhaba ») et les cordes douces de la guitare de Kevin Patton (« Chornij Voran »). Mais c’est la voix qui impressionne et qui vous fait frissonner jusqu’au plus profond de l’épiderme. La voix qui s’empile, se superpose, qui s’enchevêtre. Une voix claire, bourrée d’émotions et maîtrisée de bout en bout. Cet album est aussi éblouissant que ces milliers de particules qui peuvent parfois flotter dans l’atmosphère.

Jacques Prouvost