Stacey Kent en toute intimité
Stacey Kent a sorti en 2021 « Songs From Other Places » (Candid Records) et publie ce mois de mai une nouvelle « special edition » avec six bonus. Un répertoire qui colle à la peau de la chanteuse par son romantisme et son intimité ; un écrin en duo avec le pianiste Art Hirahara. Petit entretien avant son passage au Forum de Liège ce 13 mai, puis à La Louvière (« Jazz au féminin »), le 2 juin.
«Quand une chanteuse trouve un pianiste avec lequel elle a un dialogue aussi fort, elle a envie de monter ce genre de projet avec lui.»
Cet album en duo est un modèle d’intimité. Est-il le fruit d’un long confinement ?
Stacey Kent : Oui et non. L’idée de cet album est née il y a des années. Mon producteur, Jim (Tomlinson, le mari de Stacey Kent et saxophoniste sur la plupart de ses albums – NDLR) et moi avons discuté de ce projet. Essentiellement parce que Art Hirahara et moi jouons déjà ensemble depuis vingt ans, et quand une chanteuse trouve un pianiste avec lequel elle a un dialogue aussi fort, aussi proche, elle a envie de réaliser cela avec lui. Je suis en effet attirée par cette sensibilité, par les choses intimes. Mais en même temps, on peut remplir un salon avec plein de sons, parce que le piano est un instrument très riche. Il y a aussi des duos qui nous ont influencés comme Bill Evans avec Tony Bennett, André Prévin avec Doris Day, Natalie Cole avec Alan Broadbent, des gens avec qui je partage la vie musicale dans ma maison et avec un répertoire qui nous est commun, comme Jobim. Tous des musiciens qui, comme moi, ont eu aussi des projets avec orchestres, mais pour qui le duo fait partie de leur univers.
Comment s’est déroulé cet enregistrement ?
S.K. : Art et moi avons un rapport très fort et nous avions décidé de faire cet album il y a longtemps. Avec le lockdown, on a eu évidemment le temps de le faire, mais plein de chansons de l’album avaient déjà été choisies il y a des années. L’enregistrement a été réalisé à distance. On a un dialogue très fort avec Art car nous sommes très amis. Donc, cette façon de procéder n’a pas été un problème pour nous. Pour certaines chansons, il nous envoyait sa musique, pour d’autres je chantais a cappella et il ajoutait le piano.
«C’était finalement assez confortable d’enregistrer en période de lockdown, avec un espace-temps qui permettait d’enregistrer un jour, puis quelques jours plus tard.»
Vous êtes fidèle à un répertoire : la musique brésilienne, les Beatles, mais aussi la chanson française, avec cette fois un chanteur canadien assez peu chanté hors de son pays, Raymond Lévesque.
S.K. : Lévesque, on l’a trouvé par hasard. Pendant le lockdown, Jim avait acheté un livre de poèmes de Lévesque et on a adoré. On est tombé sur le texte de cette chanson. Au départ on ne savait pas que Barbara l’avait déjà interprétée, Jean Sablon aussi. Le texte me correspond : le désir d’être partie du monde, mais dans le « real time », cette idée très sage de voyager littéralement ou dans l’imaginaire, et de retourner chez soi où c’est chaque fois différent. J’ai adoré l’idée. « Song From Other Places » on l’avait choisi il y a longtemps, « Blackbird » des Beatles j’avais aussi envie de le chanter. « Landslide » était déjà sur l’album « Breakfast on the Morning Tram ». Art adore ce morceau : la mélodie reste la même, mais l’esprit est différent.
Il y a aussi trois nouveaux textes de Kazuo Ishiguro, un auteur qui a déjà écrit beaucoup pour vous.
S.K. : Oui, Ishiguro avait déjà écrit pour « Breakfast on a Morning Tram », et aussi pour « I Know I Dream » et « Changing Lights ». Il continue à écrire pour moi.
Vous avez toujours été sensible au choix des textes ?
S.K. : Tout à fait ! Nous avons tous les trois la même approche par rapport aux textes. Mais je n’affirmerai jamais que le texte est la chose la plus importante, parce que nous sommes tous différents. Regardez d’autres chanteuses, par exemple Anita O’Day : sur scène, elle est souvent très proche de la batterie. C’est sans doute là qu’elle se trouve la plus confortable. Pour moi, c’est le texte qui me parle.
Pourquoi six bonus tracks sur l’album ?
S.K. : Nous avons adoré enregistrer cet album, et nous échangions des idées pour poursuivre le projet. Quelques semaines plus tard, on a refait ces chansons. En fait on continue à enregistrer en vue d’un second volet en duo… Et puis, pourquoi pas les ajouter ? Ils font partie aussi de la période du lockdown. C’était finalement assez confortable d’enregistrer pendant cette période, avec un espace-temps qui permettait d’enregistrer un jour, puis quelques jours plus tard…
Dans ces bonus, il y a quelques discrets ajouts instrumentaux.
S.K. : C’est Jim à la flûte. On avait demandé à Jim de se joindre à nous dès le début, mais il ne voulait pas. Il disait être producteur et compositeur et ne voulait pas jouer. Finalement pour « Besame Mucho » il a participé, mais aussi pour l’avant-dernière chanson « Imagina » de Carlos Jobim. Le rôle de Jim comme producteur est très important, mais en même temps je pense qu’il veut garder précieusement l’idée du duo et ne veut pas en faire partie pour la suite.
Qu’en sera-t-il lors des concerts ? Vous venez à Liège le 13 mai puis à La Louvière le 2 juin.
S.K. : Pour les concerts en live, Jim est avec nous, avec des arrangements un peu différents. Ce printemps, on fait beaucoup de dates en trio : avril, mai, juin, juillet août dans une quinzaine de pays.
Stacey Kent
Songs From Other Places
Candid Records