Steve Lacy & Andrea Centazzo : Tao

Steve Lacy & Andrea Centazzo : Tao

Ictus ‐ Références catalogue : Ictus 131

Cet album a été publié il y a des années lorsqu’Andrea Centazzo a ressuscité son label Ictus, 30 ans après sa fondation en 1976. Le premier album du label,« Clangs » (20 février 1976), était consacré au duo de Steve Lacy et d’Andrea Centazzo autour des compositions de Steve. Sans nul doute un des meilleurs albums de Lacy, le maître à jouer du saxophone soprano du XXème siècle. Inoubliable !! Par la suite, Ictus publia un superbe trio « Live » avec Lacy, Kent Carter et Centazzo. Bien qu’il ait acquis une formation de batteur… imbattable (élève de Pierre Favre), Andrea Centazzo a développé un langage musical de percussionniste free innovant et est devenu en quelques années une personnalité incontournable de la scène improvisée, jouant et enregistrant avec Derek Bailey, Evan Parker, Lol Coxhill, Carlos Zingaro, Pierre Favre, Henry Kaiser, Toshinori Kondo, Rova Sax Quartet, Davey Williams et LaDonna Smith etc… Composant et dirigeant son propre orchestre et publiant de nombreux albums sur son label Ictus. Ce label publia aussi deux albums solos de Lol Coxhill et d’Andrew Cyrille. Dans les années 80, il partit vivre en Californie et devint compositeur. En 1984, il y eut encore une session du duo Centazzo – Lacy à Bologne qui figure ici sous la dénomination « Tao #1 », « Tao #2 » jusque « Tao #6 ». Il s’agit des six compositions de Steve Lacy de la « Tao Suite » qu’on retrouve entièrement ou partiellement reprise dans plusieurs de ses albums et qui constitue l’ossature de son répertoire des années 70 : « Existence », « The Way », « Bone », « Name », « The Breath », « Life on Its Way ». Ces pièces figurent sous la forme d’une suite dans l’album Hat Hut « The Way » du Quintet de Steve Lacy (1979). La version en duo de cette « Tao Suite » est ici superbement interprétée tant dans le chef de Steve Lacy qu’à travers le travail percussif (libre !?) d’Andrea Centazzo qui lui crée un magnifique écrin. Magie. La set list de l’album « Clangs » contenait d’autres morceaux (« The Owl », « Torments »), et donc, cette présente publication est plus que justifiée, un service rendu à la bonne cause. « Tao #1 » nous fait découvrir son style « drumming free » virevoltant sur les peaux et accessoires avec des successions de contretemps, sursauts et incessants changements de timbre en rafale, avec un superbe sens de la dynamique. Puissance et légèreté. Cette partie de percussion devrait figurer dans toute anthologie consacrée à la percussion free aux côtés des Andrew Cyrille, Milford Graves, Paul Lovens…. La version de Bone y est particulièrement astucieuse, car ce morceau évoquant une biguine ésotérique avait été conçu pour être joué en trio avec contrebasse ou en solo. Ici, le percussionniste sollicite principalement des sonorités métalliques avec beaucoup de sensibilité au lieu de jouer « de la batterie ». « Tao #5 » est impérial et étourdissant. La rencontre de leurs deux univers (Lacy vs Centazzo), leur confère une dimension unique, inespérée qui sublime leurs contributions individuelles. Les quatre autres plages de « Tao » (« Tao #7 » à « Tao#10 ») reprennent l’enregistrement d’un concert qui eut lieu le 18 février 1976, deux jours avant que furent enregistrées les faces de « Clangs ». S’y trouvent quelques un des thèmes de cet album dont ce morceau où interviennent le Bird Calls et la crackle-box de Michel Waiszwisz et qui est encore plus réussi que sur le concert du 20 février. La qualité de l’enregistrement de ces bonus étant au rendez-vous, vous pouvez plonger sur ce rare document. Historique et incontournable. Si vous aimez Steve Lacy, je pense pouvoir dire qu’il s’agit de son plus fascinant album en duo impliquant un alter ego.

PS : J’ai mis bien du temps à écrire au sujet de cet album (paru il y a plus de dix ans), car je viens seulement de l’acquérir et comme il est superbement bien enregistré (en plus !) , je n’ai pu résister à vous en faire part !

Jean-Michel Van Schouwburg