Steven De Bruyn & Jasper Hautekiet : Aanhou Geraas Maak

Steven De Bruyn & Jasper Hautekiet : Aanhou Geraas Maak

El Fish Records

Cet album, qui se situe à la frontière entre le jazz et une sorte de folk alternatif mâtiné de blues africain, ressemble surtout à la bande son d’un film nostalgique qu’on imagine volontiers tourné dans la nature. Il est le produit de la rencontre entre l’harmoniciste Steven De Bruyn et le contrebassiste Jasper Hautekiet. Enregistrée en direct dans le Studio Jet à Bruxelles, apparemment sans trop de préparation et en laissant s’épancher l’inspiration du moment, la musique papillonne, créant des climats envoûtants dont le cœur est la narration de contes ou d’histoires nostalgiques. Emprunté au poète néerlandais Alfred Schaffer, le titre de l’album, « aanhou geraas maak », signifie en afrikaans « continuez à faire du bruit », une façon d’inviter les gens à ne pas se pétrifier en ces temps difficiles où le repli sur soi est souvent l’option la plus facile.

Les dix morceaux défilent comme des petits récits avec un grand pouvoir d’évocation. On pense fugacement à un Ry Cooder qui, avec la même simplicité mais sur des instruments différents, parvenait à installer des ambiances mystérieuses sur des images de désert et de forêt. Ici, si le jeu est parfois minimaliste, la palette des couleurs et la gamme des émotions sont larges. Avec son harmonica qui semble jouer dans la distance, « Speechless » est par exemple une ode à la solitude, une promenade avec soi-même par des sentiers tranquilles. Avec sa basse et ses percussions, « Korogocho Flashback » se fait l’écho d’une rencontre avec les enfants des « slums » de Nairobi.
« Almost Summer », presque ingénu avec sa belle mélodie traînante, ouvre toutes grandes les portes de l’été et fait se lever le soleil. Quant à « Terra Incognita » qui clôture le répertoire, c’est un morceau joyeux, rythmé et hanté de bruitages électroniques abstraits, qui accompagne des premiers pas dans un monde encore vierge et énigmatique.

Pour apprécier ce disque, il suffira de se laisser porter par le timbre terre à terre de l’harmonica qui joue peu de notes pour mieux les faire résonner et celui, profond, de la contrebasse qui l’accompagne. La musique est simple mais nuancée, mélodique, hypnotique et organique. Elle ruisselle dans la journée comme une rivière fraîche et, par le bruit harmonieux qu’elle fait (« aanhou geraas maak »), s’impose comme un vecteur de vie.

Le duo en concert au Centre culturel de Mouscron (le 24 mars) et à l’Ancienne Belgique (le 31 mars).

Pierre Dulieu