
Theorem Of Joy : Feux
Formé en 2017 par le compositeur et contrebassiste Thomas Julienne, le quintet français nous revient pour un troisième album qu’il a peaufiné en live lors d’une tournée d’une quinzaine de dates en Chine en automne 2024. « Feux » symbolise à la fois la destruction et le renouveau (deux changements de personnel ont eu lieu depuis l’album précédent) mais questionne aussi sur les « feux intérieurs » et les « foyers d’avenir ». Et cela au travers d’un jazz contemporain audacieux et poétique via des textes chantés, en anglais et en français par Raphëlle Brochet, sur six des onze compositions. Et parmi elles, il convient de signaler deux interludes « Echo » et « Echo 2 » joués uniquement à la contrebasse. Outre les deux membres du groupe déjà nommés, Theorem Of Joy comprend aussi le violoniste Robin Antunes, le guitariste Anthony Winzenrieth et le batteur Tom Peyron. Pour être complet signalons les efficaces présences d’un tromboniste (le renommé Robinson Khoury – élu meilleur musicien de jazz français 2025) et celle d’un violoncelliste (Sary Khalife) sur quelques plages. Et dès l’ouverture de l’album, le développement musical de l’univers bien diversifié du groupe est présent. C’est en effet une rythmique électro-jungle qui introduit le titre avant qu’une palette sonore ne nous invite dans un voyage jazz vocal varié, nuancé. Il y a quelques influences world orientales, indiennes, des touches de folk médiéval électrique (« Au monde »), du jazz manouche indianisé avec vocalises (« In The Way »), de l’électro dance (le très efficace et dansant « El Haik Dance Floor ») du post rock (« Behind The Sky ») souvent dû au violon quand il soutient, agit en fond sonore. Mais plusieurs de ces éléments peuvent se retrouver au sein d’une même composition sans pour cela nous décontenancer. Dès le début, le groupe a fait de ce brassage sa marque singulière et chaque titre est assez unique. Quant à la voix de Raphaëlle, et quand cette dernière chante en français, je lui trouve quelques similitudes avec celle d’Olivia Ruiz. Mais cela disparaît aussitôt qu’elle utilise l’anglais ! L’album de ces remarquables musiciens trouble à la première écoute, mais aux suivantes il en devient nettement plus accessible. Toute sa diversité, sa complexité, sa richesse et ses harmonies, nous happent et s’incrustent. Et nous donnent l’envie de voir ce groupe en live et de succomber à son jazz tentaculaire.