Tindersticks : Distractions
Dès ses débuts, « Tindersticks 1 » (1993), le groupe de Nottingham nous a charmés, grâce à une sensibilité unique qu’il doit en grande partie au charisme de son leader, Stuart Staples. Voix à fleur de peau, compositions soul gorgées de cordes, mélo-cholie prégnante… Certains fuient, d’autres plongent définitivement. En presque trente années d’existence (treize albums studio sans compter les bandes originales qui soutiennent les images de la réalisatrice française Claire Denis), jamais les Tindersticks n’ont déçu leurs fans auxquels ces « Distractions », enregistrées lors des dé-confinements, sont spécialement dédiées. Ligne claire de la pop réduit à nouveau à un trio extensible, le groupe de Staples finalise ici quelques projets qui attendaient patiemment qu’on les retire des cartons. L’album s’ouvre et se referme sur deux longues (onze et neuf minutes) épopées : la surprenante plage d’ouverture techno-ambiante « Man Alone » et un « The Bough Bends » de toute beauté, plus conventionnel dans le répertoire du groupe. Passé ce premier écueil, on plonge lentement dans l’univers dandy des Tindersticks, pour s’en couvrir d’une couche imperméable et définitive, comme un tatouage sur la peau. « I Imagine You », puis deux relectures intéressantes (« A Man Needs a Maid » de Neil Young et « Lady With a Braid » de la chanteuse folk américaine Dory Previn) nous confirment que le trio n’a rien perdu de ses qualités pour la mise en sons. Il faudra attendre l’antépénultième titre « You’ll Have to Scream Louder » pour que le rythme s’accélère (un peu…). Deux accords suffiront, la voix du leader assurant l’hypnose. Avant d’achever ce périple émotionnel Stuart Staples implore un « Tue-moi » (en français dans le texte) dédié aux victimes des attentats de Paris et de Manchester. « Vous reprendrez un peu de ces Distractions ? » Oui… Volontiers !
Yves «JB» Tassin