Tommy Lawson : Bega [Sonic Scapes]
Artiste sonore, sound designer, performeur numérique français d’origine togolaise, Tommy Lawson est aussi producteur et curateur d’événements pour la promotion des musiques électroniques. Il développe des projets mêlant musique électronique et électroacoustique. Attaché à l’idée de transversalité́ entre les arts, il a réalisé de nombreuses musiques et bandes sons en collaboration avec les arts plastiques, le vidéo-art et la danse contemporaine. Il réalise régulièrement des balades sonores géolocalisées en direction de divers publics, afin de leur permettre de vivre une expérience sonore augmentée, en lien avec le patrimoine d’un territoire. En 2008, il a lancé « Zone Libre », une structure de création, production et de diffusion au travers laquelle il organise le Festival des arts sonores éponyme depuis 2019, entre art, science et nouvelles technologies. Il vient de finaliser son premier album « Bega [Sonic Scapes] », sorti sur le label belge Transonic, à l’occasion d’une résidence Pépinières Européennes de Création (Paris) chez Transculture (La Louvière) en novembre 2022.
Chaque pièce de cette production sound art est un voyage d’écoute entre Bastia (Corse), Timisoara (Roumanie) et M’Hamid El Ghizlane (Maroc). Les œuvres sensibles et subtiles de l’artiste, créent un lien entre l’espace et le son qui entrent en résonance; elles poussent l’auditeur à façonner des paysages, à les écouter, les voir et sonder leurs différentes dimensions. Imprégné par chaque territoire, Tommy Lawson intègre la mise en espace du son dans la création numérique immersive afin de recomposer cet espace qui devient territoire sonore vivant. En écoutant ces saynètes de « cinéma pour les oreilles » , un agencement de mini récits et de cartes postales sonores se déclenchent dans notre imaginaire automatiquement.
Attardons-nous sur trois pièces sonores parmi les douze que contient cet album, révélatrices à la fois de l’approche contextuelle privilégiée par l’artiste, mais aussi de la diversité et de la cohérence de ce premier opus très prometteur (d’autres sorties sont annoncées par Transonic, mettant en évidence d’autres champs explorés par Tommy Lawson, dont des séquences composées pour un dispositif de réalité augmentée conçu par le concepteur/chercheur français Gaëtan Le Coarer). « Eclats Sonores 1 (Boulevard Paoli) », extrait d’une installation sonore réalisée à Bastia en 2019, emmène l’auditeur dans un mix de sons de camions, la voix des passants et les klaxons des voitures. « Polytopes (Chant des dunes) » nous transporte au Sahara marocain; on sent le vent qui embrasse les joues, un souffle très puissant plein de sable et une perspective dénudée sans être vivant. « Sonic Narratives (The Bridge) » conçu pour un parcours sonore à Timisoara (Roumanie, 2021), est rythmé par une pulsation lente et appuyée sur laquelle vient se déposer une voix féminine qui décrit l’acoustique de ce lieu empreint de mystère.
Au final, cette douzaine de voyages soniques (chacune est une microcosme) procurent une forme d’enchantement poétique; les personnes, les usages et les évènements qui en sont les protagonistes, plongent l’auditeur dans un flux d’images mentales nourries par ces captations environnementales (field recording) et ces textures électroniques soignées.
Sur la pochette élégante de « Bega [Sonic Scapes] » (à noter que, à chaque paysage sonore correspond une photo prise par Tommy Lawson sur le lieu de cet enregistrement), on peut voir une silhouette sombre qui arpente un haut mur le long de la mer. Cette image cinématique correspond bien à la démarche explorée ici, mais aussi à ces pièces à la fois ancrées dans un territoire particulier mais qui le rendent aussi nomade, invitant l’auditeur à recréer à partir de celles-ci, d’autres paysages imaginaires.