Transatlantic Five : Transitions
Je me souviens encore distinctement de ma première rencontre physique avec Nate Wooley. C’était il y a une dizaine d’années aux Ateliers Claus à Bruxelles. Il occupait la petite scène en position assise, titillant, tripotant, sollicitant son instrument, lui insufflant d’insondables ajournements. Tout autant que la dextérité avec laquelle il le maniait, ce qui me frappa fut la respiration avec laquelle il évoluait. Comment sa bouche épousait, pour mieux l’évaser, l’embouchure de sa trompette. Comment il y faisait rentrer l’air. Que cela soit en compagnie de Joe Morris, de Peter Evans, de Chris Corsano, de Chris Forsyth ou encore de Mathew Shipp – pour n’en épingler que quelques-uns – Wooley s’adapte toujours comme par miracle dans le creuset de dialogues inouïs. Avec le saxophoniste/clarinettiste Ken Vandermark, la complicité est évidente, naturelle. Les enregistrements disponibles en témoignent. À l’été dernier, les deux Américains ont rejoint un trio allemand formé par le vibraphoniste Christopher Dell, le contrebassiste Christian Ramond et le batteur Klaus Kugel. D’où le nom de ce quintet transatlantique. La formation se revendique ouvertement de l’influence d’Eric Dolphy et plus particulièrement de son célébrissime premier opus pour Blue Note « Out to Lunch ». Et pour cause, on y retrouve ici la même combinaison instrumentale. « Transitions » apparaît à la fois comme un hommage au maître tout en s’en affranchissant, poursuivant des sonorités différentes, inédites, profondément contemporaines. Un disque audacieux et entreprenant.