Trio Grande : Impertinence
Trente années de complicité et six albums dans leur escarcelle, le plus petit big band du monde (comme il se définissent eux-mêmes) a de quoi se réjouir. Ils ont traversé les décennies en gardant leur bonne humeur un rien facétieuse, un immense plaisir de jouer … et la même instrumentation hirsute qui décuple les possibilités sonores : saxophone, clarinettes, cornemuse, guimbarde, harmonica pour Laurent Dehors ; euphonium, sousaphone et trombone pour Michel Massot ; et percussions diverses pour Michel Debrulle.
Comme l’indique son titre, le tonique « Pour Les Petits » est parfaitement capable d’égayer une fête d’anniversaire débordant de dragées colorées et de ballons multicolores, mais ce ne sont là que les prémices d’un long programme au cours duquel les rythmes vont danser, les mélodies rayonner et l’émotion s’épanouir en corolles ébouriffantes. Leur musique ressemble à celle d’une parade joyeuse, bariolée et un peu déglinguée (pensez à la Zinneke surréaliste de Bruxelles), à laquelle on emboîte le pas sans trop réfléchir. Et puis, imaginez ces trois-là sur scène, bondissant et changeant constamment d’instrument pour créer une abondance de sonorités qui n’appartiennent à aucun style ni à aucune mode. Oui, il y a quelques moments déjantés perdus ici et là entre les boucles mélodiques et les improvisations car il faut bien laisser la porte ouverte aux envies libertaires, mais l’essentiel est globalement structuré et joué d’ailleurs avec une précision diabolique.
Evidemment, avec une telle approche aussi ouverte, tout est possible et on ne s’étonnera guère de passer d’une danse futuriste glanée dans un bar de Tatooine (« Charleston ») à une fanfare avec des cornemuses (« Taiko Blues »), ou d’une musique déambulatoire (« Heureux ») à du baroque revisité pour ceux qui ont du mal à rester assis (« Menuet Transfiguré »).
Tout ça respire l’effronterie, d’où le titre de l’album, « Impertinence », subtilement symbolisé par trois grands échassiers en vadrouille s’élançant sur un piétonnier alors que le feu « piéton » est au rouge (la musique sur le morceau éponyme semble par ailleurs évoquer les discussions animées de ces trois volatiles à la Disney qu’on imagine passablement éméchés). Mais c’est aussi enjoué, imprévisible et, surtout, très drôle. Vingt-huit ans après leur premier album éponyme, le Trio Grande revenu à son format de base n’a rien perdu de sa vitalité, de sa fantaisie et de son aptitude naturelle à tout emporter dans un grand élan de sonorités festives.
En collaboration
avec le magazine DragonJazz