Urbex Electric : Suspended
Toujours excitant de se dire qu’on y était quand sort un album « live ». Aah ! Ce superbe « Live in Europe » de Fred Hersch ou aussi le « Five Peace Band » de Chick Corea où Herbie Hancock rejoint Chick et John McLaughlin pour « In A Silent Way » en rappel, dans une salle aux deux-tiers vide à Anvers, en pleine crise financière… Des moments qu’on se surprend à découvrir un jour sur une galette… Pour « Urbex Electric », les choses étaient claires : ce serait un concert enregistré pour une sortie dans le cadre d’une nouvelle série « Live à Flagey ». L’attente en était d’autant plus forte, mais la chronique « Fiers d’être belge » du 21 juillet ne laissait aucun doute sur l’enthousiasme qu’a suscité ce concert… Si les concerts « live » de 2020 ont été dramatiquement amputés par ce crapuleux virus, nul doute que celui-ci, enregistré le 19 janvier aurait de toute façon fait partie de l’ultra-top de l’année. Quel line-up d’abord ! Comme si le « Urbex » de « Sketches of Nowhere » ne se suffisait pas à lui-même, Antoine Pierre (comme il l’explique dans l’interview à lire demain sur le site de JazzMania) a invité le guitariste Reinier Baas, le saxophoniste Ben Gelder et le claviériste Jozef Dumoulin pour créer un effet « miroir » dont il parle dans notre entretien. Finalement, je ne vous parlerai pas trop de cet album. Il faut absolument le découvrir comme un « live », une découverte du moment ; s’enthousiasmer sur la sonorité de Jean-Paul Estiévenart dès « Steam », admirer la variété du jeu de Bert Cools, craquer sur les stridences de Reinier Baas, se concentrer sur l’assise rythmique assurée par la basse de Félix Zurstrassen, un peu reprendre son souffle sur « Abstract », s’envoler sur le solo d’Antoine – « Drums Take Over » enchaîné avec l’ensorcelant « Sound Barrier ». Et si vous y étiez, vous entendrez combien l’ingé-son est primordial dans pareil contexte… Vincent De Bast a des oreilles en or, chaque musicien ressort avec une force et un équilibre parfait qu’on a pas toujours ressenti en direct. Faut-il préciser que cet album tourne ad lib dans mon salon ?
Jean-Pierre Goffin