William Evans & Roberto Koch : Quiet Journey

William Evans & Roberto Koch : Quiet Journey

TCB The Montreux Jazz Label / New Arts International

En classique, la « musique de chambre » était à l’origine celle interprétée par un petit groupe d’instrumentistes (qui pouvaient se rassembler dans la grande chambre d’un palais) mais aussi, dans une perspective plus moderne, celle obéissant à un art de jouer privilégiant la communication permanente entre les musiciens de l’orchestre. Appliquée au jazz, la musique de chambre conserve plus ou moins ces caractéristiques et, en ce sens, on peut raisonnablement qualifier « Quiet Journey » de « jazz de chambre ». Le répertoire est joué par un duo composé du pianiste William Evans et du contrebassiste vénézuélien Roberto Koch, augmenté sur deux titres du batteur espagnol Jorge Rossy (connu internationalement pour sa participation au trio de Brad Mehldau de 1993 à 2006). Sur les dix morceaux du disque, huit sont des reprises dont « A Felicidade » d’Antonio Carlos Jobim, « Rio » de Wayne Shorter, « The Old Country » de Nat Adderley, « Quiet Now » de Denny Zeitlin et « Lament » de J.J. Johnson. Toutes sont jouées avec une approche nonchalante qui rend l’album à la fois très homogène et paisible, très facile à écouter aussi. Sur « Rio » et le standard « While We’re Young », Jorge Rossy ajoute sa frappe délicate sans perturber l’ambiance. Les deux compositions originales, l’une de Roberto Koch (« Alisos ») et l’autre de William Evans (« A Circle of Silence »), ne dérogent pas non plus à la ligne directrice générale, ce dernier titre clôturant le disque de façon encore plus onirique avec une belle contribution à l’archet du contrebassiste. Aucune complexité n’est ici revendiquée, seulement une volonté de travailler en bonne entente, sans pression et à un rythme aussi détendu que productif. Le recours à plusieurs références musicales issues de pays différents (Brésil, Venezuela, Cuba, Angleterre et États-Unis d’Amérique) a incité le duo à intituler ce disque « Voyage Tranquille ». Et le fait est que l’écouter d’une traite, c’est partir ailleurs tout en restant engoncé dans une ouate confortable.

Imaginez la lumière tamisée d’un salon-bar d’un bateau de croisière. Rien ne pourrait être plus idéal que cette musique sereine et chaleureuse pour enchanter un tel espace et contrer en douceur le ronronnement quasi imperceptible des moteurs. Sinon, offrant une respiration bienvenue, « Quiet Journey » séduira par sa retenue, sa fluidité et son lyrisme même si l’on aurait peut-être apprécié, ici et là, un peu plus de densité.

Pierre Dulieu