Witness Wounds : Witness Wounds

Witness Wounds : Witness Wounds

Arsenic Solari

Faire du bruit… la belle affaire ! Il y en a tant et tant qui s’emploient à l’ouvrage, s’égosillent, braillent à qui mieux mieux. Depuis Luigi Russolo et ses fameux Intonarumori, le bruit a été érigé en art, mais ce n’est qu’au début des années 80 qu’il revendiquera ses lettres de noblesse avec Throbbing Gristle et consorts. Depuis lors, on assiste à beaucoup de redites, de resucées. Certains sortent du lot et confectionnent des musiques d’une inouïe densité. C’est dans cette veine que pourrait s’inscrire Witness Wounds. Plus qu’un groupe au sens habituel du terme, il s’agit en réalité d’un projet réunissant deux duos. D’un côté, celui formé par Sara Trawöger et Kristin Gerwien, lesquelles jouent sous le nom habituel de Tomorrow I Feel Wrong. De l’autre, celui d’Anton Ponomarev et Anton Obrazeena qui jouent sous le nom de P/O Massacre et qui ont collaboré dans le passé avec l’artiste bruitiste japonais Merzbow. Le disque démarre plutôt austèrement. Des sons étranges, diffus, auxquels viennent se mêler les voix féminines. Au fur et à mesure de sa progression, la musique se fait dense, compacte, les guitares incisent, le sax de Ponomarev gronde, l’électronique s’intensifie, les rythmes s’accentuent, finissent par marteler. A la fin, on assiste à une sorte de crescendo où les instruments se fondent les uns dans les autres, saturent et se saturent. Le vinyle comporte trois longues pièces dont l’une, « The Warden », est scindée en deux. Il est accompagné par un CD en bonus sur lequel l’unique composition, « Music for Mouse », se déploie sur plus d’une demi-heure. C’est peut-être à cette période de l’année, quand les jours s’amenuisent et que la brume envahit l’air, qu’il dévoilera au mieux son caractère intrinsèque. Celui de tenter de guérir nos blessures qui sont aussi celles d’une humanité maudite dans sa destinée.

Eric Therer