Yumi Ito : Ysla
D’abord, il y a l’objet, le contenant. Le CD est inséré dans une pochette cartonnée gatefold au format d’un single vinyle. Sont incluses six fiches avec photos de l’élégante musicienne d’un côté et, de l’autre, les textes des chansons, une autre encore concernant sa vie, ses ressentis, sa musique… Vraiment très particulier et, pour certains, un retour vers les années où des doubles singles étaient publiés sous cette forme. Possédant des racines japonaises, polonaises et suisses, c’est en Suisse qu’elle habite depuis toujours. Mais ce pays « encerclé » semble un peu l’étouffer et c’est dans des îles (« ysla » en portugais) qu’elle se sent la plus épanouie. Elle nous propose ici son cinquième album et, autant vous le dire tout de suite, c’est magnifique ! Yumi est chanteuse, pianiste, claviériste et compositrice. Elle est entourée d’un merveilleux duo formé du contrebassiste Kuba Dworak et du batteur Iago Fernandez. Quelques invités les rejoignent et, parmi eux, les plus remarquables pour leurs compositions mélancoliques sont les violoncellistes. Ce jazz vocal passe par de variées et sombres couleurs. Il y a du contemplatif, du néoclassique, de la pop éthérée, évanescente, de l’ambiant, des groove mystiques et une discrète couche d’électro, apportée par les synthés de Chris Hyson – que j’imagine être le quatrième membre du groupe. Et par-dessus, une très belle voix anglaise qui improvise parfois via des vocalises et même du yodel, ce typique chant des Alpes ! Les sept titres (pour 35 minutes) sont inscrits dans une veine ténébreuse, triste et un morceau « Rebirth » magnifie bien l’univers de Yumi. Une sorte de complainte sur laquelle tous les instrumentistes font des merveilles, en particulier Kyrill Fasla Prolat au violoncelle. Sa sonorité grave et mélodique, en accompagnement, est une des plus belles interventions sur l’album. Les paroles versent aussi dans un univers assez déprimant. Elles questionnent sur l’après-vie, les amours du passé, la quête du bonheur individuel… beaucoup de choses qui se répètent. Néanmoins, à la fin de « Love Is Here to stay », pointe un espoir de solution : « Sadness, pain and fear, let it all go ». Un album délicat, une artiste sensible, troublante, un univers singulier. Réellement prodigieux.