Zydeco Black Creole, French Music & Blues
Zydeco Black Creole, French Music & Blues 1929-1972
Une simple chanson populaire dans la Louisiane du début du siècle dernier, Les Haricots Ne Sont Pas Salés, devenue en Français créole Zarico é Pa Sale, allait ouvrir la porte à un tout nouveau style musical propre à l’État du Pélican, d’abord une musique noire créole appelée à devenir plus tard la musique zarico ou zydeco par fusion de cette musique créole -influencée par la musique cajun blanche – avec le blues. Ce nouveau style conservera l’accordéon, cher aux musiques cajun et créole, et occasionnellement le violon, mais y ajoutera des percussions (le frottoir, un washboard métallique) aux côtés des batteries, et plus tard, des guitares et des cuivres. C’est à Jean Buzelin, un spécialiste, qui retrace l’histoire de ce qu’on appelle parfois la musique “La La” ou le Blues Français de Louisiane, que l’on doit les notes de pochette, très bien documentées et illustrées, de ce coffret de deux cédés (48 titres), dont beaucoup de raretés. Buzelin repart des tous débuts de ce genre musical, né dans les années 1920 : la musique créole d’abord, avec les pionniers dont on a des enregistrements comme les duos mixtes (noir-blanc) Douglas Bellar (chant et violon) avec Kirby Riley (accordéon diatonique) en 1929, et Amédée Ardoin (chant et accordéon diatonique) et Dennis McGee (violon) en 1929, 1930 et 1934, ainsi que deux faces d’Amédée Ardoin en solo (chant et accordéon) en 1934. Jean Buzelin y a ajouté des enregistrements plus obscurs de musiciens découverts par John et Alan Lomax pour la Library of Congress comme les Jurés (1) de Jimmy Peters (chant) avec les Ring Dance Singers (1934), comme Paul Junius Malveaux (harmonica ?) avec Ernest Lafitte (chant ?) de 1934 et comme Oakdale Carriere (voix, accordéon.,1934), un forçat du pénitencier d’Angola. Le Français créole était la règle. Ensuite, ce sera la traversée du désert pendant plus de 20 ans, sans enregistrements d’accordéonistes noirs, et, après 1950, l’arrivée de l’accordéon chromatique amplifié électriquement et les guitares électriques qui marquent l’avènement du zydeco. Ce style musical est en synergie totale avec le blues, avec des paroles mi-Français créole, mi-Anglais . Ce ne sera pas la fin de la Musique créole noire qui se perpétuera encore très longtemps avec des duos d’accordéonistes comme ceux d’Albert Chevalier et Robert Clemon (1961) ou Willie Green et Joe Savoy (1961), mais aussi avec Alphonse ‘Bois Sec’ Ardoin (accordéon) et Canray Fontenot (violon) en 1972, les Frères Carrière (non représentés ici) et quelques autres.
Quant au style zydeco proprement dit, il sera dominé par Clifton Chenier (chant et accordéon chromatique) avec son frère Cleveland (frottoir); dix faces lui sont d’ailleurs consacrées à juste titre. La tradition se perpétue de nos jours avec le fils de Cleveland, C.J.Chenier. Mais, on s’en doute, il y en eut d’autres, dont on retrouve la trace dans cette anthologie : Boozoo Chavis, Clarence Garlow, Leo Morris, Lonnie Mitchell et quelques musiciens plus obscurs comme Thadeus Declouet, Dudley Alexander… sans oublier le bluesman Lightnin Hopkins (apparenté à Clifton Chenier) qui interpréta Zologo (déformation de zydeco) à l’orgue, en 1948. La période 1929-1972 était jusqu’à présent sommairement couverte sur des supports difficiles, voire impossibles, à acquérir ! Ce coffret restera longtemps au catalogue de Frémeaux et Associés, ce qui ne doit pas vous retenir de l’acquérir sans délais. Il y a toujours des orchestres zydeco de nos jours, mais le Français créole a cédé la place à l’Anglais, et leurs enregistrements sont aisément disponibles via les distributeurs habituels.
Robert Sacré
(1) Les “Jurés” sont des chants religieux ou profanes, sur lesquels on danse collectivement, sous la conduite d’un meneur, et rythmés avec les pieds et des battements de mains. Ils sont, avec le blues, à l’origine du style zydeco.