Pépites around jazz
Around jazz… quelques pépites
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici 4 cédés qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Nasty Factorz
Nasty Factorz a vu le jour en 2014, lorsque le batteur américain Ari Hoenig et le saxophoniste français Gaël Horellou ont réuni leurs énergies pour créer une musique « au confluent du jazz, de l’electro et de la musique contemporaine » (sic). Ces deux-là ont beau limiter leur espace de jeu à un duo, on devine qu’en dehors de celui-ci, ils se sont faits plein d’amis en technotèque… Ceux qui sont venus leur donner un coup de main ont pour noms Apple, HP ProBook 650 G3 ou encore Fujitsu B20T. Résultat : un premier album qui réconcilie le jazz et le dancefloor. La frappe précise de Hoenig et l’alto de Horellou surnagent au milieu de programmations complexes. Le tout nous donne huit titres étirés en forme de maxis de techno-jazz oppressante et/ou hypnotique (au choix), qui ne vous laissera pas de marbre…
Raoul Björkenheim eCsTaSy,
Doors of Perception
On se souvient bien du guitariste (électrique au son saturé) Raoul Björkenheim. Il a (entre autres) fondé deux groupes essentiels de la scène jazz d’avant-garde : Krakatau (dont les albums on été publiés par le label ECM) et The Scorch Trio (quelques disques édités chez Rune Grammofon). Revenu sur les terres de ses aïeuls, le dorénavant sexagénaire a fondé le quartet eCsTaSy, qui réunit les plus belles gâchettes du nouveau jazz finlandais, parmi lesquelles nous découvrons l’époust-soufflant Pauli Lyytinen aux saxophones de tous genres… On n’attend pas de Raoul Björkenheim qu’il nous exécute une prestation « guitar-hero » façon Jeff Beck. Chez lui, la musique est plutôt en retenue; on privilégie les atmosphères tendues ou détendues. Le jazz de ces « Doors of Perception » fleure bon le rock des prairies, le patchouli et la liberté d’expression (cf. l’affiche « Donald est un imbécile » placardée sur la pochette). Plutôt une bonne pioche…
Girls in Airports , Live
Voici un quintet (au patronyme plutôt réussi) qui nous a procuré bien des difficultés ! Pas moyen de savoir par quel bout prendre cette musique unique en son genre, sans pour autant être spécialement complexe ! Les écoutes se sont pourtant succédées (preuve de la qualité du disque). Rien à faire ! Ce super-groupe danois (Copenhague) à la tête duquel on retrouve le saxophoniste Martin Stender (par ailleurs compositeur des titres) nous embarque dans un voyage indiscutablement agréable, jalonné de mélodies accrocheuses. L’album « live » qui nous occupe ici réunit des sessions enregistrées en Allemagne lors de trois concerts donnés il y a un an. Et s’il fallait vraiment coller une étiquette dans le dos de ces Girls aussi farouches qu’un interlude, on indiquerait juste « troisième genre »…
Qotob Trio, Entity
« La musique adoucit les mœurs » : c’est une bonne chose. Mais qu’elle nous pousse à la réflexion sur la condition humaine, c’est encore mieux ! Prenez l’exemple de Bassel Abou Fakher. Voici un jeune homme qui, en compagnie de quelques amis a fondé le projet Qotob, un groupe de musique comme il en existe des milliers d’autres dans le Monde. Mais celui-ci est établi à Damas (vous voyez, cette ville située en zone ultra-conflictuelle), ce qui change tout… Pour survivre, Bassel a fui les bombardements et a trouvé refuge chez nous. Les autres se sont éparpillés (le statut de réfugié empêche les rassemblements par-delà les frontières). On ne s’étendra pas davantage sur la politique d’accueil de notre pays, mais qu’il soit rendu hommage au compositeur Walter Hus. C’est sur le violoncelle de cet homme que Bassel a pu continuer à jouer. Qu’au cours d’une jam donnée au Hall Maximilien (le centre d’aide médicale et juridique pour réfugiés), le musicien syrien a rencontré l’accordéoniste Piet Maris… Et qu’au terme de l’assemblage de toutes les bonnes volontés requises (notamment au sein du collectif d’artistes Choux de Bruxelles) un album a été enregistré… « Entity » (c’est son nom) est une merveille ! Humaine, mais aussi musicale… On se doute bien que la combinaison des instruments violoncelle/accordéon et piano (Jean-Baptiste Delneuville sur le tabouret) ne pouvait déboucher que sur une musique envoûtante et gorgée de mélancolie… C’est le cas. Le ton est grave, posé pile poil sur la frontière où le jazz jouxte la musique de chambre. Parfois, lorsque les notes s’envolent avec un peu plus d’énergie, la musique côtoie l’univers du tango façon Piazzolla. Mais bien vite, les compositions (toutes signées de la plume de Bassel) reprennent leur mise en suspension céleste. Nous pensons alors au « Pas du chat noir », un album d’Anouar Brahem, considéré comme étant l’une des plus belles œuvres du croisement Orient / Occident…
Joseph « YT » Boulier